Motion sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche

Publié le : 12/06/2019

Motion sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

Présenté par le SNESUP-FSU, le SNCS-FSU, le SNASUB-FSU, SUD et la CGT

Adopté au CNESER du 11 juin 2019 (26 votes pour et 1 abstention)

 

Le Premier ministre a annoncé le 1er février 2019 la préparation d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2021.

 

Une programmation pluriannuelle du budget de la recherche est urgente car la France a déjà significativement décroché par rapport aux principaux pays de l’OCDE : cet effort global de R&D est d’environ 2,2 % du PIB en France (dont 0,78% du PIB pour la R&D publique) alors qu’il atteint 2,74 % aux États-Unis, 2,94 % en Allemagne, 3,14 % au Japon et même 4,23 % en Corée. Cette programmation pluriannuelle du budget devrait pourtant être centrale, car seul un investissement supplémentaire permettra de répondre aux besoins du pays et aux attentes de la communauté scientifique.

Les membres du CNESER rappellent que les organismes de recherche, EPST et EPIC, et les universités sont au centre du dispositif national de recherche. Ils concourent ensemble à développer le maillage de la recherche sur tout le territoire en lien avec l'enseignement supérieur. Tous jouent un rôle majeur dans le développement et le rayonnement de la recherche scientifique française. Les membres du CNESER demandent que la loi de programmation soit accompagnée d’une vision nationale de la recherche avec des organismes nationaux de recherche forts. Dans un contexte où le gouvernement a décidé de supprimer un EPST (IFSTTAR) et d’en fusionner deux en un seul (INRA et IRSTEA), le gouvernement doit garantir le maintien de l’ensemble des missions et des spécificités de chacun des établissements. Cela passe par la garantie du financement et de la survie des thématiques menées par les organismes. Cela passe aussi par le maintien de la dimension nationale de leur action. La qualité des conditions de travail de tous les personnels concernés par ces restructurations doit également être préservée ce qui signifie à minima un alignement par le haut de ces conditions de travail.

Les membres du CNESER demandent que la loi programme un plan pluriannuel d’investissement dans la recherche publique, avec une augmentation annuelle d’1 milliard d’euros pendant 10 ans, pour atteindre 1 % du produit intérieur brut (PIB), conformément à l’engagement pris par la France lors du Conseil européen de Barcelone en 2002 (qui comportait également l’objectif de 2 % du PIB pour la dépense de recherche et développement (R&D) des entreprises, soit 3 % du PIB au total.

La loi doit permettre la programmation de moyens financiers et humains. Les moyens humains passent par la création de postes statutaires. C'est une mesure incontournable pour l’avenir de la recherche publique mais aussi pour lutter contre l’emploi précaire qui déstabilise la recherche et dégrade les conditions de travail. Les membres du CNESER demandent que la loi comporte un plan pluriannuel pour l’emploi scientifique avec la création de 6000 postes de titulaires de chercheur·e·s, enseignants-chercheur·e·s, ingénieur·e·s, technicien·ne·s, personnel administratif et des bibliothèques, par an pendant dix ans dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Le développement de l’emploi statutaire nécessite aussi de rendre les statuts du personnel plus attractifs en embauchant une majorité des personnels au plus près de l’obtention des diplômes et en revalorisant les carrières et salaires, notamment lors de l’embauche. Dans le cadre de l'attractivité des carrières, les grilles indiciaires de toutes les catégories de personnel doivent être significativement revalorisées. La nécessaire révision du régime indemnitaire des chercheurs doit être également l’occasion d’une revalorisation conséquente. Les membres du CNESER demandent que les grilles indiciaires des ingénieurs de recherche, des chercheurs et des enseignants-chercheurs reconnaissent et valorisent la qualification du doctorat. Ils demandent également que les régimes indemnitaires des personnels de l'ESR soient harmonisés avec ceux du reste de la fonction publique d’État. Pour être attractive, cette revalorisation doit porter sur l’ensemble des emplois et ne pas reposer sur une compétition incompatible avec la nature collective de l’activité de recherche.

Favoriser le recrutement sur emploi précaire de CDD de projets mais aussi de CDI pour les fonctions d'encadrement, comme il est prévu dans la loi de transformation de la fonction publique est socialement inacceptable et toxique pour nos activités,  car c'est toute la logique d'une recherche et d’une formation par et à la recherche sur le long terme, faite à partir de financement pérenne par des personnels sous statut, qui serait profondément remise en cause. Le CNESER affirme son opposition au contrat de projet.

La loi doit augmenter le financement de base des laboratoires et réduire le financement par appel à projet. Le système de financement public par appel à projet ne doit constituer qu’un effort supplémentaire destiné à soutenir le démarrage de thématiques émergentes répondant à des besoins conjoncturels. Le budget des établissements de l’ESR doit être suffisant pour notamment assurer la totalité du financement, par dotations annuelles, des charges structurelles des établissements, des infrastructures de recherche et les crédits de base des laboratoires pour permettre le financement de la totalité des projets de recherche pour lesquels les unités ont été labellisées après avoir été évaluées.

La diffusion des savoirs, la médiation scientifique, l’innovation et le transfert font partie des missions de la recherche publique et de l’enseignement supérieur. La population attend légitimement que les avancées scientifiques améliorent ses conditions de vie et qu’elles puissent répondre aux enjeux sociétaux. Néanmoins, l’histoire le montre, aucune rupture n’est possible sans un soutien fort à une recherche publique libre de toute contrainte marchande.

Les membres du CNESER demandent au gouvernement d’intégrer dans la loi les recommandations votées par le CNESER concernant « Les financements publics de l’enseignement supérieur et de la recherche », le « Programme d’Investissements d’Avenir : une analyse et des recommandations du CNESER », le « Crédit d’impôt recherche et aide publique à la recherche des entreprises : Analyse et recommandations du CNESER » et le « Financement de la recherche publique par appels à projets : analyse et recommandations du CNESER ».

Les membres du CNESER ne cautionneront pas une loi de programmation de la recherche qui prétendrait réformer pour la énième fois le paysage de la recherche publique sans moyens financiers de base très significatifs, sans créations d’emplois statutaires ou sans revalorisations des rémunérations des personnels. La volonté d'investir dans l'avenir de notre pays au travers de la recherche publique et de la formation à et par la recherche doit être clairement affichée dès à présent.

Ce sont là les conditions pour soutenir l’accroissement des connaissances dans toutes les disciplines et mieux répondre aux enjeux sociétaux auxquels il faut faire face.