CNU : détournement d'une instance

Publié le : 30/05/2009

Article paru dans le Supplément au mensuel n°575 de mai 2009 : Pour nos métiers, poursuivre l'action !

CNU : détournement d'une instance

  • par Carole Hoffmann

Le
décret relatif au CNU, conséquence de la loi LRU, s’inscrit, par la
déconcentration de la gestion des enseignants-chercheurs, dans le
projet gouvernemental de casse du statut national des
enseignants-chercheurs et de destruction de la fonction publique d’État.

Dans la logique de gestion managériale des universités, le décret confère aux présidents d’universités certaines prérogatives allouées jusqu’alors au ministre. Il leur donne un pouvoir démesuré sur les conditions de travail et la carrière des collègues, au risque de dérives localistes et de soumission de l’éducation et de la recherche aux critères de performance, de flexibilité, de mobilité, par la mise en concurrence et la remise en cause des solidarités.

Dans le projet initial, le CNU – instance nationale, collégiale, fondée sur l’élection et sur des bases disciplinaires, à parité de PR et de MCF – était dessaisi d’une partie essentielle de ses fonctions de gestion statutaire des enseignants-chercheurs (qualification aux fonctions de PR et de MCF).

Le mouvement des universitaires, le SNESUP ont permis un certain nombre d’avancées :

  • le rétablissement du double contingent, national et local pour l’attribution des promotions et des CRCT ;

  • la possibilité pour les membres du CNU de convertir leurs indemnités de fonction en décharge de service d’enseignement ;

  • l’octroi de droit de CRCT (congé parental, collègues ayant effectué des tâches d’intérêt général).

Les dangers du décret en l’état sont nombreux :

  • les missions du CNU sont étendues à l’évaluation périodique des activités des enseignants-chercheurs, sur la base d’un rapport d’activité quadriennal établi par chaque enseignant-chercheur. Les activités d’enseignement sont évaluées sur la base d’un avis transmis par le CA restreint des établissements. Cette évaluation ne se substitue pas à celle réalisée dans le cas des demandes de promotions. Dissociée de celles des unités de recherche, et fondée sur la base de critères publimétriques imposés par l’AERES, l’évaluation risque d’entraîner un creusement des inégalités entre enseignants-chercheurs, les uns pouvant cumuler à la fois PEDR (attribuée désormais au niveau local), primes, promotions et modulations de service d’enseignement à la baisse. Le SNESUP refuse que le CNU s’installe dans une conception restrictive et malthusienne de la recherche au détriment de l’évaluation formative qu’il faut mettre en place.

  • la suppléance de membre du CNU ne répond pas aux besoins engendrés par la nouvelle mission d’évaluation individuelle, les suppléants n’intervenant qu’en cas d’absence des titulaires auxquels ils sont associés. Le surcroît de travail ne permettra pas une défense efficace des collègues ;

  • le statut de membre du CNU entraine l’exclusion d’un certain nombre d’instances dont les Conseils d’administration des universités, mesure discriminatoire envers les organisations syndicales ;

  • le contournement du CNU par la dispense de qualification, devient possible pour certains candidats qui ont exercé à l’étranger une fonction d’EC de niveau équivalent.

Le SNESUP s’est vigoureusement battu dans les différentes instances compétentes et contre le ministère pour que les carrières des enseignants-chercheurs soient défendues au CNU, instance nationale majoritairement élue, sur des bases disciplinaires. De nombreuses luttes devront être menées dès maintenant par nos militants en local. Le SNESUP exige l’abrogation de ce décret.