Contribution pour le Congrès d’Étude Gérard Lauton, UPEC – Sciences

Publié le : 23/05/2012

Contribution pour le Congrès d'Étude

Gérard Lauton, UPEC - Sciences

L'annonce du Congrès d'Étude a été lancée bien avant l'élection présidentielle. Le chantier des 24 propositions à expliciter et celui de la Formation des enseignants se posent-ils dans les mêmes termes après le 6 Mai dernier ? Oui et non. Oui, car le diagnostic du syndicat et les axes de changement ont été formulés en fonction du paysage de l'ESR tel qu'il résulte de « 10 ans de réformes au bulldozer », avec les dégâts que l'on sait, avec aussi l'impact des luttes qui ont permis sur plusieurs points importants de conjurer les mesures encore plus graves qui étaient dans l'agenda du pouvoir. Non, car les vives attentes qui se sont exprimées au travers de ce scrutin portent un élan, élément nouveau pour conquérir des mesures immédiates, obtenir une mise à plat concertée des orientations et un nouveau cadre de l'ESR conforme aux besoins de société.

Le Congrès doit savoir éviter l'écueil d'un débat qui se cantonnerait au périmètre de l'ESR, pour autant que cette notion ait un sens, s'agissant d'un service public auquel tout citoyen est fondé à demander des comptes. On ne saurait éluder la situation économique et sociale de ce printemps 2012, la démolition méthodique opérée depuis des années, exacerbée depuis les 5 ans de politique sarkozyste, qui s'est traduite dans les secteurs public et privé par des disparitions massives d'activités et d'emplois, des fermetures de sites, le chômage et la précarisation, spécialement pour la jeunesse. Le mal-vivre, la misère et l'exclusion ont atteint des niveaux record. Selon une toute récente enquête, 36% des étudiants se disent en état de déprime, et 12% avouent des penchants suicidaires. Leur renoncement aux soins est devenu massif. Les jeunes entrant à l'Université après un Bac Technologique ou Professionnel sont confrontés à des cursus formatés pour les titulaires d'un Bac Général. Le délai pour l'obtention d'un emploi stable après les études est en moyenne élevé. Les étudiants étrangers confrontés à une situation administrative irrégulière vivent un enfer.

On ne saurait concevoir une réorientation de l'ESR indépendamment de ce tableau. Le changer profondément suppose de rompre avec les logiques à l'œuvre (RGPP, austérité, précarité, démantèlement des services publics, atteintes à l'environnement, ...). La question d'un sommet social pour peser en faveur de tout autres orientations est posée. Peut-on imaginer des avancées dans l'ESR sans un rapport de forces et de nouveaux acquis à l'échelle de l'ensemble des secteurs ?

Cela concerne de fait tous les aspects de l'ESR : la conquête d'un véritable droit individuel à la formation, (DIF) aujourd'hui bafoué et très peu accessible aux candidats à une reprise d'études, celle d'une allocation d'études exonérant nombre d'étudiants d'une activité salariée pénalisante pour la réussite, celle d'une extension audacieuse de l'accès aux études pour rattraper le retard de la France (part d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur), celle d'un droit effectif à la formation pour les enseignants, d'un droit à la recherche pour les acteurs de l'Université, qui ne soit plus subordonné au verdict d'instances technocratiques, ... Une régulation du service public de l'ESR rompant avec l'actuel pilotage autoritaire par le MESR et avec la politique du chiffre, fondée sur un rôle renouvelé des échelons de concertation (CNESER, CoNRS, ...).
Se mettre autour d'une table avec les acteurs d'autres secteurs a été et reste indispensable. À l'occasion des - rares - et néanmoins intéressants séminaires CGT-FSU, on a abordé de front les termes d'une problématique formation - emploi dégagée de la contrainte patronale. On a échangé des informations sur l'évolution des secteurs professionnels et des métiers, sur les besoins de qualifications, sur de nouvelles synergies entre recherche universitaire, ingénierie, recherche industrielle. Sans rien renier des impératifs portés par le SNESUP en termes de liberté de recherche et de respect de la pluralité des objectifs et des écoles de pensée.
Comment allons-nous traiter les vives attentes qui s'expriment contre le déclin et pour un nouveau stade de développement économique, social, culturel et environnemental, passant par un nouvel essor de l'ESR ? N'y a-t-il pas là un angle incontournable sous lequel aborder l'explicitation des 24 propositions du SNESUP ?
Je me suis étonné que ces préoccupations soient quasiment absentes des débats préparatoires au Congrès d'Études. Une psychose corporatiste semble avoir occupé tout l'espace des forums. Au lieu de s'appuyer sur nos mandats en matière de revalorisation du métier et des carrières, au lieu d'articuler rôle social de l'Enseignement supérieur et progrès dans la condition de ses acteurs, certains se sont tétanisés autour du thème de l'évaluation, dans une posture défensive qui est la moins intelligible vu des autres secteurs de la société, et la moins porteuse pour conquérir des avancées sur cette importante question. Pourtant, la plateforme CNU et les productions du syndicat mettent le cap vers une évaluation qui, loin de léser les intéressés, leur donne un porte-voix pour exposer sans fard leur contexte de travail et stigmatiser les situations de pénurie qu'ils endurent. Encore faut-il que la communauté universitaire, et en premier lieu les syndiqués, s'emparent de ces revendications et en fassent des exigences à porter dans tous les lieux de décision là où ils exercent.
Le Congrès devrait donc bien travailler dès lors qu'il inscrit ses débats dans les rapports ESR - Société et qu'il mise sur l'élan que le départ de N.Sarkozy a suscité. Cet élan a conduit le nouvel exécutif à certaines annonces positives (abrogation de la Circulaire Guéant, ...) qui en appellent d'autres en fonction de l'ampleur des luttes sociales en cours et à venir. 23-05-2012.