Publié le : 07/12/2010

Dégradations : de quoi parle-t-on ?

Communiqué des élus FSU au Comité Technique Paritaire (CTP) de l'université Lyon 2 avec le soutien du collectif PAU "Pour une Autre Université"

1. Dégradations sociales

Au moment où le premier ministre se félicite de son bilan social, la FSU Lyon 2 (élus au CTP) constate, comme beaucoup, les attaques répétées contre les acquis sociaux et le principe d'égalité entre tous : destruction des services publics, du code du travail, du système de retraites par répartition, contre-réforme de l'assurance maladie..., inégalités au faciès, accroissement de la précarité (diminution du nombre de bénéficiaires d'indemnités chômage avec le RSA ; suppression récente des contrats uniques d'insertion CUI ; suppression d'allocations pour le logement, l'aide aux handicapés, etc.)...

Dans cette société de plus en plus inégalitaire, la désespérance des jeunes, vouée au mieux à des petits boulots précaires, au pire au chômage, est grande. Elle est visible hors de l'université mais elle l'est également dans l'université. L'université, en particulier une université comme la nôtre avec près de 30 000 étudiants, ne peut être étanche à ce qui se passe hors de ses murs. L'université est un lieu de formation et de qualification : mais elle ne peut
empêcher ses étudiants de penser au-delà de leur parcours de formation : faible insertion professionnelle même avec un diplôme, le plus souvent en vacation ou CDD, et généralement pas avant 30 ans. Même pour nos étudiants, les 42 annuités imposeraient une retraite autour de 72 ans - autant dire qu'ils partiront en fait bien avant en retraite, avec une retraite de misère (décote maximale). Que des étudiants, dans la force de la jeunesse, se préoccupent déjà de leur retraite n'est pas un signe de recroquevillement sur son petit destin individuel. La contre-réforme des retraites vient rappeler aux jeunes qu'après leur vie de misère, ils connaîtront une retraite encore plus misérable. Comment une jeunesse sans avenir ne réagirait-elle pas, sainement, au message (faussement) paradoxal que lui impose la société : « ceux qui ne peuvent accéder au monde du travail ne pourront plus le quitter » ?

La jeunesse n'a pas accepté le CPE en 2006 et a gagné. Mais le combat contre la LRU a été une défaite, répétée, qui pèse sur le moral de tous ceux qui défendent le service public. Les étudiants eux-mêmes commencent à sentir la concrétisation de ces violences dans leur quotidien à l'université : formations supprimées le jour de la rentrée, mauvaises conditions d'enseignement (salles bondées) au nom du nouveau système d'allocation des moyens à la performance (SYMPA). La mastérisation, contre laquelle toute la communauté, les étudiants en tête, s'est battue en 2009 illustre très bien le fait que la dégradation de la société pénètre nos établissements universitaires : sous-financement des études pour les étudiants pauvres, préparations abracadabrantesques des concours et surcharges de travaux en master 2, violence au travail pour les 16 000 enseignants non formés (violence concrétisée par les très nombreux arrêts de travail longue durée, dépressions et démissions des stagiaires), effondrement des inscriptions pour les concours de recrutement dans l'Education nationale, etc.

2. Dégradations matérielles

Les actes désespérés, tels ceux des « casseurs » longuement montrés dans les journaux télévisés, reproduisent à leur façon ces dégradations. Ces actes desservent la cause des luttes des salariés et de la jeunesse et permettent surtout au gouvernement de dévoyer les luttes
sociales, en focalisant l'attention sur la casse matérielle et en occultant la casse sociale, bien plus lourde et durable, que constituent les contre-réformes.

Des actes de dégradation se sont produits sur le campus de Bron, dans le sein même de l'université. On ignore l'origine de ces dégradations : bêtise, manipulation, provocation... ?
Mais la FSU les condamne, car ces actes détruisent précisément tous les fondements de solidarité auxquels aspire le mouvement social. Insulter nommément tel(le) enseignant(e) pour ses positions scientifiques ou politiques, c'est s'attaquer au fondement de la liberté, et en particulier à celui de la liberté de penser ; brûler des dossiers d'étudiants (action qui a fortement choqué les jeunes eux-mêmes, comme cela apparaît sur le blog Rebellyon), c'est casser la fraternité entre les étudiants et briser la fraternité entre personnels et étudiants, en bafouant le travail des uns et des autres ; détruire les biens mobiliers de qualité dont dispose le campus défavorisé de Bron, ce n'est pas oeuvrer pour plus d'égalité entre les deux campus. A qui profite le crime ? Certainement pas aux luttes en cours.

Mais il ne faudrait pas que ces actes, quels qu'en soient les auteurs, occultent d'autres dégradations bien plus inquiétantes pour l'ensemble de la communauté.

3. Dégradations du dialogue social à l'université Lyon 2

Depuis la LRU en 2007, le modèle libéral pénètre l'université. Depuis la rentrée 2010, sous couvert de préparer le passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE), clef de voûte de la LRU, la présidence rompt totalement avec la pratique de dialogue social et d'écoute des personnels et de leurs représentants, les organisations syndicales - que ce soit en CCP (Commission Consultative Paritaire) ou au CTP.

Le dernier CTP, du 2 novembre, dont un compte-rendu FSU vous parviendra prochainement, a été l'occasion de passages en force inacceptables :

  • prime d'excellence scientifique (enseignants-chercheurs) : proposition du CS d'une augmentation du montant (de 5000 à 6000 €) avec possibilité pour les titulaires de cette prime de convertir une partie du montant en décharge de service d'enseignement. Proposition paradoxale, puisque la présidence soulignait elle-même en juillet 2010 que cette conversion revient à accroître le cercle vicieux de l'excellence et de la concurrence, en permettant aux « excellents » chercheurs d'accroître leur excellence en recherche au détriment des collègues ne touchant pas la PES. Minoration également du rôle du CTP, réduit à voter sur la proposition du CS (ce qui n'est pas dans les textes). La proposition FSU d'une répartition moins inégalitaire (revenir au plancher de 5000 euros et interdire la conversion en décharge d'enseignement... comme la présidence l'avait elle-même proposé au CTP de juillet 2010) s'est heurtée à un refus absolu de la présidence et l'administration a voté la proposition du CS ;
  • primes et reliquats (BIATOSS) : proposition de l'administration de répartir le reliquat à raison de 60% pour la partie fixe et 40% pour la partie modulable. La FSU a demandé que la part modulaire soit diminuée avec répartition 80%-20% afin de compenser un tant soit peu le blocage des salaires. Refus de l'administration de négocier un seul pour cent ;
  • restructuration des services centraux : grande réorganisation des services, création de plusieurs nouvelles directions. Mais les élus ne disposaient que d'un simple organigramme sans aucune prévision sur les postes, leurs évolutions, les affectations et surtout les coûts (économies d'échelle) : comment décider quoi que ce soit sur des documents aussi lacunaires, alors même que le président reconnaît qu'il ne sait pas ce qui sera mis dedans ou quels seront les moyens ? Malgré la demande de report de vote sur cette question, le président a maintenu le vote sur cette restructuration, qu'il a bien sûr obtenu, l'administration votant en bloc ;
  • rattachement de FILTRE : rattachement à la faculté de Sciences économiques pour les TICE, à la faculté des Langues pour les langues, et à la Division des études pour les UE libres.

La FSU a rappelé que les personnels n'avaient pas été consultés à ce sujet, ni à FILTRE, ni en faculté des Langues, ni à la Division des études ; elle a rappelé qu'une commission de réflexion, mise en place avant l'été 2010, n'avait rendu aucun rapport aux personnels de ces deux composantes ; que ce point à l'ordre du jour était une tentative manifeste de passage en force ; que le document, minimal (1 petite page) n'était parvenu que 6 jours avant la séance de CTP (l'article 7 du règlement intérieur en prévoit 8 - les organisations syndicales avaient concédé en juillet 2010 que le délai passe de 15 jours à 8 jours, pour tenir compte de la charge de travail des personnels aux RH, mais en exigeant un respect absolu de ce délai réduit). La FSU a demandé au président de respecter le règlement intérieur, de tenir compte de la non consultation des personnels et de repousser ce point à un autre CTP ; elle a annoncé que si le président négligeait le règlement intérieur, le groupe FSU quitterait le CTP. Le président a maintenu le vote et obtenu le résultat qu'il escomptait. La FSU a quitté la séance du CTP.
En matière de primes, la présidence est revenue sur un des engagements du candidat André Tiran : « Tenir compte de l'avis des conseils et du CTP, en particulier en informant tous les personnels enseignants et BIATOSS sur la gestion des primes et ses critères de répartition en faisant impérativement voter les conseils et le CTP ». S'il y a eu vote et présentation des critères de répartition, on voit bien que l'avis du CTP n'a pas été pris en considération au sens où cet avis n'est que celui de l'administration, sans aucune concertation ni négociation avec les organisations syndicales. Tout se résume à : « vous votez pour ou contre », sachant que ce sera « pour »... En matière de restructurations, le président a renié un autre engagement :
« Ne pas engager de fusion facultaire si une consultation de tous les personnels, Biatoss et EC, aboutit à un refus ». Le président pourra toujours rétorquer qu'il n'a rien renié, puisque n'ayant consulté personne, il n'a évidemment eu aucun avis négatif !
Suite à ce mépris absolu de la présidence, à ces passages en forces, au contournement de la consultation des personnels, au mépris surtout du règlement intérieur et des textes (PES), au reniement des engagements publiés le 21/12/2009 et diffusés à l'ensemble des personnels par le SNESup et le SNASUB, la FSU condamne la fermeture du dialogue social par la présidence.
Les fermetures administratives sont également le symptôme de cet autoritarisme croissant que la FSU déplore et ne sont pas sans conséquences sur nos conditions de travail. Elles accroissent encore l'inégalité entre les personnels (enseignements suspendus mais personnels BIATOSS appelés à travailler en passant à travers les barrages filtrants mis en place par la présidence pour accéder à leurs lieux de travail). Elles laissent entier le problème du paiement des centaines de vacataires pendant les périodes de fermeture administrative, problème auquel la présidence n'a pour le moment apporté aucune réponse écrite. Elles pénalisent les étudiants, souvent venus de loin et mis devant le fait accompli, après une décision unilatérale prise la veille à 21h par la présidence.

La FSU Lyon 2 condamne toutes les formes de dégradations qui portent atteinte au modèle de liberté, d'égalité et de fraternité.