édito : HEUREUX QUI COMME SISYPHE… ?

Publié le 5 juin 2025

Remettre l’ouvrage sur le métier, telle semble être la logique des « réformes » dont la formation des enseignant·es et des CPE est assidûment l’objet depuis 2007 – dix-huit ans désormais, quelle extravagante majorité ! En dépit ou plutôt à cause de sa lancinante rémanence, cette logique demeure cependant fragile et ses résultats sont dénués de saveur puisque ce sont des pierres, lesquelles ne sont pas d’attente.

Il faut être juste cependant. Il convient de souligner en effet que cette rémanence ne consiste pas dans un hoquet de répétition, ni même dans une simple duplication de l’antécédent. Elle comporte des variations, qui ne sont pas des colifichets, comme la position temporelle du concours, l’introduction d’une épreuve orale d’entretien dit « professionnel » ou encore l’imposition de questions ou de thèmes jugé·es prioritaires par l’État employeur (le ministère de l’Éducation nationale).

Qu’apporte ce colloque des pierres ? D’abord le silence d’une reptation immobile et ensuite le dévoilement de l’épine – dorsale – de cette logique des réformes, qui nous enjoint de forcer le métier sur l’ouvrage : former une force de travail, une main- d’œuvre « prête à l’emploi ». D’où, logiquement, une sanctification encensée du « terrain » – de la glèbe ? –, c’est-à-dire, et très concrètement, la « mise en responsabilité de classe » des étudiant·es ou des stagiaires, laquelle est pourvue de toutes les vertus. S’y ajoute le fait que la place de cette « mise en responsabilité » ne cesse de se dilater dans le temps symétriquement contracté et racorni de la formation, au détriment de celle-ci, si on l’entend autrement que « voir » et « faire voir ». Face à cet autisme qui nous soumet, nous épuise et nous dé- goûte, il nous faut poursuivre sans relâche la lutte contre Méduse.

Mais, plus encore, il nous faut aussi remiser les fétichismes qui encombrent la réflexion et conduisent à sa ruine, impliquant de se départir d’une pensée en sillon et de ses ornières, impliquant de véritablement (s’)engager dans une réflexion commune, fédérale, au sein de la FSU donc, sur la formation, ses contenus et ses modalités. Il ne (me) semble pas, en effet, que l’on puisse « imaginer Sisyphe heureux », sinon de son malheur.

par Vincent Charbonnier, coresponsable du collectif FDE

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Vincent Carbonnier N&B