La licence pour tou.te.s ? Des propositions qui contournent les besoins et s’affranchissent des moyens

Publié le 31 août 2017

 

 

 

 

 

Paris, le 31 août 2017
 

Aujourd’hui le ministère chiffre à 800 millions d’euros le coût des redoublements et des réorientations en licence (1). Selon un raisonnement purement comptable, le gouvernement considère donc qu’en travaillant aujourd’hui à la « réussite » de tou.te.s les étudiant.e.s, des économies substantielles pourraient être réalisées. Certes, les redoublements et les réorientations ont un coût. Sont-ils pour autant tous inefficaces ou inutiles ? Par ailleurs l'affectation par le logiciel APB de certain.e.s étudiant.e.s dans des filières très éloignées de leur premier vœu n'est-elle pas en partie responsable des échecs et/ou réorientations en première année ?

Pour le SNESUP-FSU, la réussite aux examens n’est qu’une des étapes menant vers la réussite telle que nous l’entendons : obtenir un diplôme certes, mais également s’insérer professionnellement ou poursuivre ses études et devenir un.e professionnel.le autonome et un.e citoyen.ne émancipé.e. Tou.te.s les titulaires du baccalauréat doivent disposer des meilleures conditions d’étude pour atteindre ces objectifs.

Ces objectifs ne peuvent être atteints sans la disparition à terme des limites de capacités d’accueil, sans croissance du taux d’encadrement (en emplois titulaires) et sans moyens pour adapter les pédagogies à la diversité des publics. À budget constant, ces huit cent millions d’euros ne peuvent suffire à accueillir les effectifs d'étudiant.e.s en augmentation sans détériorer les conditions de travail des personnels et les conditions d’études. C’est une croissance du budget de deux milliards par an pendant 10 ans qu’il faudra obtenir pour atteindre 2 % du PIB pour l’enseignement supérieur.

Jeudi, le ministère a dévoilé les étapes du “chantier” destiné à optimiser la réussite des étudiant.e.s en licence. Onze groupes de travail présentés comme étant au service de cette réussite par le ministère s’organisent autour de 5 chapitres :

  • Accès à l’enseignement supérieur
  • Ingénierie de l’offre de formation
  • Renouvellement des pédagogies
  • La vie étudiante
  • Les filières spécifiques (PACES, STAPS, Psychologie)


Les groupes de travail devraient se réunir chaque semaine durant les mois de septembre et octobre 2017.

Le nombre de groupes nous apparaît très élevé et dilue la problématique de la réussite avec un risque de redondance ou de manque d’articulation et de cohérence. De plus, ils ne couvrent pas toutes les préoccupations qui, pour le SNESUP-FSU, sont prioritaires et au cœur de la rentrée actuelle : 6000 bachelières et bacheliers restent aujourd’hui sans affectation et des dizaines de milliers d'autres subissent une affectation par défaut. Si la question de la réussite en licence est placée au centre des réflexions, celle de l’accès de toutes et tous à l’enseignement supérieur est reléguée au second plan. La démocratisation de l’accès est-elle une priorité pour ce ministère qui semble n’apporter que des réponses techniques pour minimiser les coûts de « l’échec » et de la réorientation ? Aucun moyen supplémentaire n'est visiblement envisagé alors que le nombre d'étudiant.e.s ne fait qu’augmenter depuis des années et que le nombre d’enseignant.e.s-chercheur.e.s et enseignant.e.s titulaires a baissé d'environ 10 % depuis 2007 ! (2)

L’accès de droit à l’enseignement supérieur pour tout.e.s les bachelier.e.s, droit que le SNESUP-FSU entend voir préserver, pourrait être remis en cause sous couvert de « flexibilité » des parcours de licence. De plus, il n’est pas envisagé dans le cadre de cette consultation d’engager une réflexion sur les programmes du lycée et du baccalauréat.

Enfin, les modalités de la consultation méritent d’être interrogées. En premier lieu, une multiplication de groupes de travail avec un rythme hebdomadaire de réunions consultatives par groupe difficile à gérer en cette période de rentrée, une absence de feuille de route et de visibilité sur un projet de texte. En deuxième lieu, le SNESUP-FSU  rappelle son attachement aux instances démocratiquement élues et représentatives de la communauté universitaire et désapprouve le contournement du CNESER et du CSLMD ainsi opéré... 

Lors du lancement de la concertation de ce jour, Frédérique VIDAL a dit : « une réforme ambitieuse ne peut se faire à budget constant ». Le SNESUP-FSU attend avec impatience le budget prévisionnel 2018…
 


(1) Dans son intervention lors de la réunion de lancement de la concertation en juillet 2017, madame la Ministre Frédérique Vidal a estimé à 100 000, les étudiant.e.s de licence en réorientation ou en échec, et à 8000 € le coût moyen annuel d’un.e étudiant.e en licence

(2) Repères et références statistiques 2016, page 24   http://cache.media.education.gouv.fr/file/2016/97/5/depp_rers_2016_614975.pdf