Fiche pratique : obligation de surveiller les examens, halte aux abus !

Publié le 4 mai 2023

Obligation de surveiller les examens : halte aux abus !

 

Face à des demandes de surveiller des épreuves sans rapport avec leurs enseignements, les enseignants du supérieur peuvent refuser en s’appuyant sur une jurisprudence récente.

 

A la différence des autres fonctionnaires, les enseignants et les enseignants-chercheurs (EC) ne relèvent pas d’un décompte de leur temps de travail mais sont soumis à un régime d’obligations de service spécifique au statut particulier de leur corps. Les obligations liées à la mission d’enseignement sont constituées pour l’essentiel par un volume horaire de référence pour le face-à-face pédagogique, hebdomadaire dans les établissements scolaires et annuel dans le supérieur. Cependant tous les statuts particuliers imposent en plus aux personnels d’assurer l’évaluation des élèves ou des étudiants. Ainsi celui des EC édicte que leurs « services d'enseignement s'accompagnent de la préparation et du contrôle des connaissances y afférents ».

Les contractuels enseignants relèvent en général de la même contrainte par un cadrage national (par exemple ATER, doctorant contractuel) ou par les termes du contrat signé. Même les vacataires « sont soumis aux diverses obligations qu'implique leur activité d'enseignement et participent notamment au contrôle des connaissances et aux examens relevant de leur enseignement », sans rémunération supplémentaire ni réduction de service (décret n° 87-889). La seule exception concerne les enseignants « qui n’assurent que des vacations occasionnelles », formule dont nous avons demandé au ministère quelles situations elle recouvrait sans obtenir de réponse.

Parmi les tâches relatives au contrôle des connaissances la surveillance d’examens ne nécessite en rien de mobiliser un personnel hautement qualifié. Il est même aberrant d’un point de vue ressources humaines d’occuper massivement les universitaires à une tâche consistant principalement en une fonction de police alors qu’il suffit de disposer simplement d’un responsable pédagogique pour le bon déroulement d’une épreuve. Cette aberration trouve son origine dans la définition extensive du travail de contrôle des connaissances que donne l’administration puisqu’elle incorpore la surveillance aux obligations de service des enseignants. L’absence de coût direct de la surveillance par les universitaires encourage les employeurs à y recourir sans frein. Mais en réduisant le temps que les universitaires surchargés peuvent consacrer à leur mission de transmission des connaissances, et pour les EC à leur mission de recherche, elle a des conséquences néfastes pour le service public. C’est pourquoi il faudrait généraliser la pratique de certains établissements de recourir à des personnes extérieures embauchées pour assurer cette tâche spécifiquement.

A l’inverse, il arrive que des collègues soient sollicités pour surveiller gratuitement des épreuves qui ne concernent pas leur service d’enseignement, voire dans d’autres matières, alors que les extraits de réglementation ci-dessus énoncent explicitement que le contrôle des connaissances doit être en lien avec les heures d’enseignement assurées. Ces pratiques abusives ont prospéré avec l’aval de la DGRH du ministère depuis de nombreuses années malgré les signalements de notre syndicat. Une jurisprudence récente existe pour les contrer.

La décision n° 20NC03617 du 28 avril 2022 de la Cour Administrative d’Appel de Nancy fait suite aux recours de deux enseignants-chercheurs contre l’université de Lorraine qui avait rejeté leur demande d’indemnisation d’heures de surveillance imposées entre 2013 et 2017 bien que sans rapport avec leurs enseignements. Elle a été obtenue grâce au soutien juridique du SNESUP-FSU, son avocate ayant pris en charge le dossier de ces deux adhérents.

La cour affirme qu’« il ne résulte d’aucun texte législatif ou règlementaire que les enseignants sont tenus d’assurer la surveillance d’examens ne relevant pas de leur service d’enseignement ». Elle poursuit qu’« en estimant que ces heures de surveillance relevaient de ses obligations de service, l’université a méconnu les dispositions précitées et a commis, comme l’ont relevé les premiers juges, une faute de nature à engager sa responsabilité ». Sur ces bases, la cour a condamné l’université à un dédommagement d’un peu plus de 1100€ pour 47h30 de surveillance.

S’il vous était malgré tout enjoint d’assurer des surveillances ne relevant pas de vos enseignements, vous êtes tout à fait en droit de refuser. La présentation des éléments ci-dessus, et si besoin en est de la décision de la CAA de Nancy dans son intégralité qui accompagne cette page, devrait convaincre votre administration. Il est conseillé de prévenir la section locale de votre établissement pour prévenir d’autres abus, et si les difficultés persistent, de contacter le secteur Situation Du Personnel du SNESUP-FSU.