Intervention de Anne Roger, secrétaire générale du SNESUP-FSU au 10e congrès fédéral de la FSU de Metz - 4 février 2022
Intervention d'Anne Roger, secrétaire générale du SNESUP-FSU,
au débat action du congrès de la FSU
4 février 2022
Le 13 janvier dernier Emmanuel Macron a pris la parole devant la Conférence des Présidents d’université pour partager son projet pour l’enseignement supérieur et la recherche (ESR). Maniant sans complexes les contre-vérités, il a soufflé sur les braises dont la perspective de fin de la gratuité du service public de l’ESR est la plus emblématique – parce que, je cite, « on ne pourra pas rester durablement dans un système où l'enseignement supérieur n'a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants ». Il oublie sans remords les files d’étudiants devant les restaurants universitaires et leur précarité grandissante…
Emmanuel Macron, pas encore candidat mais déjà en campagne, pose avec ces propos son objectif : stopper la démocratisation de l’enseignement supérieur. Il n’hésite pas à évoquer un « investissement à perte » reniant le rôle émancipateur de l’université (sans doute trop dangereux) et l’enjoignant à répondre dans une vision court-termiste aux besoins immédiats du monde du travail par le développement de filières courtes « professionnalisantes », sous-entendant que l’université aujourd’hui ne professionnaliserait pas alors que plus de 90% des étudiants titulaires du masters, donc des formations longues, trouvent un emploi à échéance de 3 ans ?
Aucune mention des enseignant·es, des enseignant·es-chercheur·es et des chercheur·es, contractuels ou titulaires, et de tous les autres personnels sur qui tiennent les formations et la recherche et qui chaque jour repoussent leurs limites. Rien sur le manque de moyens humains et le sous-encadrement qui s’aggrave d’année en année. Rien sur la baisse continue du financement public par étudiant·e. Le jour du dépassement universitaire est advenu depuis le 26 janvier. Depuis ce jour, nos formations continuent de tourner grâce aux heures supplémentaires des titulaires, aux contractuels qui représentent plus de 35% des personnels et aux vacataires qui sont près de 150000. Au total, ce sont 8 millions d’heures supplémentaires dont 4 pour les titulaires… je vous laisse conclure quant aux conditions de travail et d’études qui ne cessent de se dégrader. L’ESR a besoin d’un plan massif de recrutement pour pouvoir accueillir les étudiants toujours plus nombreux. Il y a urgence.
Concernant les salaires, le Président l’a redit : le gouvernement a engagé des moyens « historiques et sans précédent » via la loi de programmation de la recherche. Des preuves ? : cette loi a permis je cite « des revalorisations salariales majeures, …, des nouveaux dispositifs, en particulier, les chaires de professeurs juniors et le renforcement tant attendu de notre Agence nationale de recherche ». Traduction : nous sommes entrés dans le monde de la revalorisation par primes individuelles aux seuls méritants, de la contractualisation des personnels, du financement conditionnel et de la mise en concurrence pour tenir sa place dans la « compétition internationale ». Nous devrions nous en réjouir.
Le Président fait clairement un choix pour l’avenir de l’ESR (mais sans doute sommes-nous un laboratoire pour l’éducation ?) : celui de la réduction du service public de l’ESR à peau de chagrin. Ce n’est pas le nôtre. Il souhaite renforcer l’autonomie des universités - financière évidemment puisqu’en même temps, la liberté de recherche ne cesse d’être attaquée - autonomie dont nous avons pu mesurer les effets délétères depuis la loi relative aux libertés et responsabilités des universités de 2007. Plus d’autonomie, plus de concurrence, plus de flexibilité, moins de démocratie, remise en cause de nos statuts… le tout au service de marchés financiers de plus en plus aux aguets. Tel est le programme.
A l’occasion des élections à venir, et dans les mobilisations unitaires que nous travaillons d’ores et déjà à construire, nous continuerons à porter nos revendications pour un enseignement supérieur et une recherche émancipateurs et au service du bien commun.