INTERVENTION SUR LE PLF 2020 - CNESER DU 19 NOVEMBRE 2019

Publié le : 20/11/2019

 

Chaque année, la situation des établissements de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR) se dégrade du fait d'une austérité budgétaire prolongée et des conséquences pour les budgets des établissements des responsabilités et compétences élargies (RCE). Le projet de loi de finances (PLF) pour l'année 2020 en est une nouvelle illustration. Le sous-financement structurel de l'ESR public est une réalité que nos collègues dans les établissements ressentent tous les jours. La note d'information de la DEPP sur la dépense intérieure d'éducation publiée le 25 octobre 2019 confirme ce constat[1]: entre 2008 et 2018, la dépense moyenne a enregistré une baisse annuelle de 0.8 % et dans cette dépense la part de l’État est passée de 57,8 à 57,4 %.

Au point où nous en sommes des débats parlementaires, le SNESUP-FSU considère que le budget de l'ESR pour 2020 ne répond pas aux besoins réels des établissements et des personnels et n'est pas à la hauteur des ambitions que nous devrions avoir pour l'ESR public.

 

1°) Un projet qui ne correspond pas aux besoins réels

Le projet annuel de performance (PAP) annexé au PLF (« bleu budgétaire ») comporte 159.6 M€ de moyens nouveaux et 20.4 M€ de transferts entre programmes. Il a de plus été amputé de 20 M€ au profit du programme 192 par un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture et que la Ministre s'est engagée à inverser le 5 novembre dernier devant le Sénat. Deux points retiennent notre attention en ce qui concerne la MIRES (programme 150) : 

  • Toutes les priorités politiques du gouvernement ne sont pas intégralement financées :
  • la réforme des études de santé : 6 M€ sont prévus dans le projet actuel mais la Ministre a précisé lors son audition devant le Sénat que 10 M€ supplémentaires seront peut-être nécessaires « en fonction des besoins », c'est-à-dire des projets pédagogiques présentés par les universités, dont on comprend par là-même qu'ils ne sont pas tous financés à l'heure actuelle ;
  • les mesures indemnitaires PPCR qui représentent à elles seules 50 M€ selon notre estimation (contre 38.5 M€ dans la note à destination des élu.e.s du CNESER) ;
  • les congés et les primes pédagogiques. Une évaluation sur la base de 900 semestres pour les congés (3.6 M€) et de 60 M€ pour les primes aboutit à une dépense totale de 63.6 M€ ! Il n'est pas raisonnable d'annoncer, dans la note précitée, que « des dotations complémentaires seront allouées en cours d'année » sans autres précisions que le renvoi aux dialogues stratégiques de gestion dont l'enveloppe de 50 M€ ne suffira pas dans la mesure où elle doit financer d'autres dépenses (en particulier celles induites par la mise en œuvre de la loi ORE). De telles annonces sans engagement ne vont pas dans le sens de la sincérité de la prévision budgétaire.
  • Plusieurs dépenses obligatoires pour les opérateurs ne sont pas compensées :
  • le GVT : sur la base du calcul réalisé pour les emplois qui demeurent gérés directement par le MESRI, le GVT représente (2.42/362.61) = 0.667 % ; si l'on applique ce taux à la masse salariale gérée par les opérateurs (11 250 300 K€), cela donne une estimation de 75 M€ environ ; notons que si le GVT n'est pas financé, comme l’a indiqué la Ministre dans sa lettre-circulaire du 8 octobre 2019 aux président.e.s d’universités, cela représenterait potentiellement un gel d'emplois de 1251 postes pour les universités.

Au total, il manque environ 100 M€ à la MIRES pour couvrir l'ensemble des besoins de financement des opérateurs, en sachant qu'il s'agit d'une estimation uniquement basée sur les dépenses contraintes.

                  

2°) Un projet qui n'est pas à la hauteur des ambitions que nous devrions avoir pour l'ESR public

  • Les moyens d'une réelle ambition : une augmentation de 681.15 M€ de la MIRES

Si l'on essaie de prendre en compte l'ensemble des besoins des opérateurs afin que ceux-ci ne soient pas seulement des instruments au service d'une baisse de la dépense publique mais des institutions au service d'une ambition partagée en faveur de la jeunesse et des générations futures, on aboutit en effet à des sommes plus importantes :

  • prise en compte de l'inflation prévisible pour 2020 (+1,5 % d'inflation)[2]: 244,4 M€ comprenant la hausse correspondante du point d'indice s'agissant de la part de ces dépenses qui relèvent de la masse salariale ;
  • augmentation des moyens indexée sur l'évolution démographique (+1,2 %) de la population étudiante : 195,5 M€, sur la base d'une dépense moyenne de la MIRES de 5963 € pour les 32 700 étudiant.e.s attendu.e.s à la rentrée 2019[3].
  • financement intégral du GVT : 75 M€ ;
  • mesures PPCR = 50 M€ ;
  • financement des mesures nouvelles :
    • primes et congés pédagogiques : 63,6 M€
    • réforme de santé, campus connecté et loi ORE : 50,4 M€
    • CHUNGP = 2,25 M€.

Ces sommes ne représentent que 7,5 % environ de la dépense faramineuse occasionnée par le programme de sous-marins nucléaires d'attaque Suffren ou 11 % du CIR ou encore 1,6 % du CICE... 

 

  • La recherche : le royaume des injonctions contradictoires

Alors que le projet de LPPR nous est présenté comme devant déboucher sur une augmentation substantielle des crédits de la recherche, le PLF pour 2020 va dans le sens inverse. En voici deux illustrations :

  • l'action n° 17 du programme 150 qui regroupe les crédits consacrés à la recherche universitaire. On observe une stabilité des montants alloués au titre de la subvention pour charges de service public : 3 816 860 806 € au lieu de 3 791 752 989 € dans le PLF 2019, mais cette augmentation des crédits de masse salariale se traduit aussi par une baisse nette des crédits de fonctionnement récurrents qui passent de 154.2 M€ à 153.6 M€ ;
  • le programme 172 qui regroupe les crédits des organismes de recherche. Il est en baisse de 2 % par rapport au PIB exprimé en euros courants qui est l'agrégat de référence pour mesurer l'effort de la recherche. La hausse des crédits de l'ANR demeure suspendue à une baisse du taux de mise en réserve qui est actuellement de 8 % (contre 4 % en moyenne ministérielle). On ne s'étonnera pas dans ces conditions que la France soit passée en 2016 au 8ème rang de la production scientifique, derrière l'Inde et l'Italie[4].

 

  • La vie étudiante : la lutte contre la précarité doit être une priorité.

Le drame survenu le 8 novembre dernier a mis au grand jour la dure réalité des conditions de vie des étudiant.e.s. Des moyens supplémentaires doivent être accordés en urgence dans le cadre du programme 231 afin de permettre une revalorisation du montant des bourses. Par ailleurs, la décision du Conseil Constitutionnel sur les droits d'inscription « modiques » devra se traduire dans les faits.

 

3°) Une répartition des moyens qui ne doit pas être rendue plus inégalitaire par les « dialogues stratégiques de gestion »

Le SNESUP-FSU exige que cette répartition permette une convergence des moyens afin que les taux d'encadrements et l'investissement par étudiant.e soit comparable d'un établissement à l'autre en fonction des spécificités disciplinaires et non pas de l'historique de dotation. L'affectation des moyens en fonction du nombre d'étudiant.e.s doit être une priorité du service public de l'ESR. Les subventions pour charge de service public ne doivent pas servir à récompenser les président.e.s d'université qui ont décidé d'appliquer à la lettre les préconisations du ministère. Ils doivent, tout au contraire, être issus de critères d'activité clairement et publiquement établis. C'est pourquoi, dans ce contexte, la mise en place des « dialogues stratégiques de gestion », nous inspirent les plus vives inquiétudes.

 

Le SNESUP-FSU considère que d'autres arbitrages budgétaires en faveur de l'ESR public sont possibles et souhaite que les personnels et les usagers fassent entendre leur voix pour atteindre ensemble cet objectif.

 

Christophe VOILLIOT

Co-secrétaire général du SNESUP-FSU

 


[2] Les prévisions concernant la hausse des prix à la consommation sont de + 1.2 % mais il faut pondérer ce chiffre par la hausse prévisible de l'indice des coûts de la construction (+ 3.4 % en glissement) pour la part de ces dépenses qui relèvent de l'investissement immobilier.

 

[3] Ce chiffre est inférieur à la dépense totale par étudiant car il ne comprend pas les crédits du programme 231 (vie étudiante).