Les CPES, instruments de différenciation des établissements et de destruction massive des licences générales ? - Lettre flash n°50 du 23 mars 2022

Publié le : 23/03/2022

 

Les cycles pluridisciplinaires d’études supérieures (CPES) sont des formations sur trois années, qui ont le grade de licence, avec un taux d’encadrement comparable aux classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) - soit 2000 à 2700 heures de cours sur les trois années, hors colles et examens - et sans professionnalisation imposée pour permettre une poursuite d’études en Master ou en Grande Écoles. Elles sont co-encadrées par des enseignants et enseignantes des lycées partenaires assurant le tronc commun dispensé principalement au cours des deux premières années et par des enseignant·es-chercheur·es ou des enseignant·es des universités pour les enseignements spécialisés. En sciences, elles reprennent notamment les programmes et les contenus des actuelles licences générales avec une spécialisation progressive au cours des trois années. Ces formations ont pour objectif d’intégrer 30 à 40 % d’étudiant·es boursier·es, ce qui n’est pas le cas en CPGE, mais qui n’est pas très ambitieux car les premiers échelons de bourse concernent plutôt les étudiant·es. issu·es des classes moyennes que celles et ceux des classes populaires.

 

Plusieurs CPES ont déjà été mise en place à l’université Paris Sciences et Lettres (avec le Lycée Henri IV), l’université de Paris-Cité (avec le Lycée Janson de Sailly), l'université de Côte-d’Azur (avec le lycée Masséna et l’institut Stanislas), l’École normale supérieure de Lyon (avec l’INSA et les universités Lyon 2 et Lyon 3), l’université de Strasbourg (avec le lycée Kleber) l’université de Tours (avec le lycée Descartes), Aix-Marseille Université (avec le Lycée Saint-Exupéry), l’université du Mans (avec le lycée Montesquieu), l’université de Nantes (avec le lycée Georges Clémenceau), etc. Certains rectorats continuent de mettre la pression auprès des équipes de directions des universités, notamment en promettant des créations de postes, pour ouvrir dans chaque région académique une licence intitulée “CPES” pour préparer les étudiants et étudiantes aux masters universitaires les plus sélectifs, autrement dit les masters des programmes gradués des Écoles universitaires de recherche (EUR) ou des Graduate School.

 

Quel impact sur la licence générale ?

 

Dans ce contexte, les licences générales garderont-elles leur rôle principal de transmission des savoirs et d'accompagnement des étudiants et étudiantes dans la construction de leurs connaissances ? L'apparition de formations parallèles telles que ces CPES, qui ont les mêmes objectifs que les licences générales mais avec d’autres moyens, permettra-t-elle à ces licences de garder leur objectif principal de poursuite en master ? Il est à craindre que l’objectif d’insertion professionnelle à la fin de la licence générale prenne le dessus sur les possibilités de poursuite d’études. Les CPES risquent en effet de devenir la voie “naturelle” d’entrée en master accessible à une population réduite. En amenant à décider précocement de celles et ceux qui auront accès aux plus hautes qualifications dès leur formation initiale, ce double système de licence ne peut que perpétuer les inégalités scolaires déjà installées dans le secondaire.

 

Ce que demande le SNESUP-FSU

 

Le SNESUP-FSU dénonce les inégalités de dotations et d’encadrement entre les formations qui, notamment en CPGE et maintenant en CPES, se traduisent par des investissements de 50 % à 150 % plus élevés qu’en licence générale, le plus souvent en faveur des étudiants et étudiantes issu·es des classes sociales les plus aisées. Le SNESUP-FSU défend l’accès de toutes et tous les étudiant·es à des formations supérieures dont la finalité est à la fois l’insertion professionnelle et la poursuite d’études, cette double finalité conduisant à donner du sens aux enseignements et à construire l’engagement des étudiants et étudiantes dans les apprentissages. Les diplômes universitaires ont pour finalité de transmettre des savoirs nécessaires à une insertion professionnelle réussie et à l’émancipation des jeunes en les formant notamment à la pensée critique, à et par la recherche.

 

Le SNESUP-FSU refuse les licences sélectives à multiples vitesses qui font fi de la mixité des niveaux des étudiants et des étudiantes. L’entraide comme l’émulation entre pairs doivent être des vecteurs de réussite pour le plus grand nombre. Alors qu’aujourd’hui certaines formations supérieures sont en péril à cause d’un sous-encadrement chronique, et que nombre d’heures ne peuvent être assurées qu’au prix d’heures supplémentaires pléthoriques ou par des vacataires, le SNESUP-FSU demande les mêmes moyens (humains et financiers) pour toutes les formations de l’Enseignement supérieur. La nécessaire démocratisation de l’Enseignement supérieur ne peut s’accommoder de tels dispositifs qui ne font que renforcer les inégalités déjà présentes sans même les questionner.