Pour une rentrée solidaire et combative ! - Lettre flash n°19 - Appel de la CA du 10 septembre 2020

Publié le : 10/09/2020

 

 

En cette rentrée, malgré la colère qui se manifeste dans de nombreux secteurs, le gouvernement persiste dans tous ses projets de réforme et poursuit son entreprise de destruction des acquis sociaux. La crise sociale touche plus particulièrement la jeunesse et la montée de la pauvreté est très inquiétante. Pour répondre aux conséquences économiques et sociales de la crise, le gouvernement choisit de faire l’impasse sur l’emploi public et les conditions de travail des fonctionnaires. Pourtant, la crise sanitaire met chaque jour en évidence le caractère fondamental du service public.

Accueillir 35 000 étudiant·es supplémentaires à moyens constants : mission impossible !

Dans l'enseignement supérieur et la recherche, la rentrée inédite que nous devons assurer rend plus que jamais visible le sous-financement chronique de l’ESR. 35 000 étudiant·es supplémentaires à accueillir, aucun recrutement d´enseignant·es titulaires, pas de plan pluriannuel de construction de bâtiments : l’université d’après ressemble cruellement à celle d’avant. Malgré le risque toujours présent de diffusion de la Covid, les amphis bondés ont une nouvelle fois été une réalité dans les filières en tension, malgré le travail d’organisation en amont des équipes pédagogiques sans les moyens supplémentaires qui auraient permis de dédoubler les enseignements en présentiel et de travailler avec des groupes réduits. Le ministère reste dans le déni des difficultés. Frédérique Vidal l’affirme sans complexe : les établissements sont prêts ! Nous l’invitons à venir constater que c’est loin d’être le cas.

La ministre a annoncé la création de 10 000 places cet été alors que les universités étaient fermées et la rentrée majoritairement déjà organisée. 20 millions d’euros ont été évoqués pour financer ces places, soit 2000 euros par étudiant·e qui résonnent comme une provocation. 30 000 places sont par ailleurs annoncées dans le plan de relance : 10000 pour cette rentrée… mais on ne sait ni où ni avec quel recrutement, 20 000 pour l’an prochain alors que la hausse démographique se poursuit. Que vont devenir les jeunes laissé·es sur le côté dans le contexte de crise sociale que nous connaissons?

Une montée inquiétante de l’enseignement hybride et « distanciel »

Dans ces conditions, le ministère a fait de l’hybridation et de la numérisation des enseignements la solution miracle, profitant de la crise sanitaire pour installer durablement l’enseignement à distance comme nouveau modèle. La ministre n’hésite pas à évoquer une « révolution pédagogique » en dénigrant par ailleurs le travail des enseignant·es. Nous assistons à une dérive très inquiétante vers un « ESR virtuel » et aux conséquences déjà visibles : difficultés de coordination des enseignements entre présentiel et enseignements à distance parfois dans la même journée voire même demi-journée, absentéisme croissant des étudiant·es, difficulté voire impossibilité de connexion des étudiant·es, effritement des collectifs de travail et des équipes pédagogiques qui éprouvent d’énormes difficultés à se rencontrer et perte de sens. Dans ce contexte, les collègues sont bien souvent livré·es à eux/elles-mêmes et la circulaire ministérielle parue le 7 septembre ne leur donne aucune réponse au-delà de la généralisation du port du masque. Le SNESUP-FSU appelle les collègues à privilégier le « présentiel » dans le respect des gestes barrières et des protocoles sanitaires, à se mobiliser pour obtenir les moyens de le mettre effectivement en œuvre. Il appelle et à refuser la modalité hybride d’enseignement comme “solution miracle” au manque de locaux et de moyens humains et à ne pas céder aux diverses pressions qui sont exercées pour l’imposer.

Loi de programmation de la recherche : ouverture des débats parlementaires

Les débats parlementaires consacrés à la « LPPR » se sont ouverts, selon une procédure accélérée, sur la base d’un texte présenté en conseil des ministres le 22 juillet dernier après un passage en force dans les instances de consultation. Ce texte n’a pas pris en compte la colère et les inquiétudes de la communauté universitaire. Il contient toujours les dangers que nous avons dénoncés depuis des mois : précarisation des personnels et destruction de nos statuts, renforcement de la mise en concurrence et des inégalités entre les personnels et les établissements, financement par appels à projet au détriment des crédits de base des laboratoires, rôle central de l’HCERES et de l’ANR et ouverture au secteur privé. Par ailleurs, il ne règle pas le sous-financement de la recherche avec un budget qui est nettement en deçà des besoins et des objectifs affichés. 

Une « revalorisation » conditionnée à l’acceptation de la LPPR : un chantage inacceptable

Étroitement associé à cette LPR, l’avant-projet de protocole dit “d’amélioration des rémunérations et des carrières des personnels de l’ESR” adressé aux organisations syndicales fin août conditionne la mise en œuvre des engagements pris à l’adoption des mesures budgétaires et des dispositions législatives qui figurent dans le projet de loi de programmation pour la recherche auquel nous sommes opposé·es. Une augmentation du nombre de postes de PU est ainsi prévue pour repyramider les carrières des EC conditionné à la création de chaires de professeur·es junior·es inscrite dans la LPR. Pour faire accepter celle-ci, la ministre ajoute des transformations de postes en poste PU, pour des MCF hors-classe HDR principalement, à peu de frais puisque l’impact budgétaire sera très réduit les premières années. De plus le nombre de créations envisagées est loin de répondre aux besoins en postes d’EC titulaires et au manque de perspectives d’emploi stable pour les doctorant·es et post-doc actuellement en situation précaire (voir plan d’urgence pour l’ESR).

Le texte prévoit par ailleurs des augmentations de rémunération des enseignant·es-chercheur·es et chercheur·es (+ 3800 € brut par an a minima) mais essentiellement via leur régime indemnitaire, donc susceptibles d’être facilement remises en cause. Dans le même temps, le point d’indice reste gelé ce qui appauvrit les fonctionnaires. À terme, la moitié encore des sommes consacrées à ce régime profiterait à une partie des collègues seulement, sur des bases individuelles ou suivant leurs fonctions, renforçant la mise en concurrence entre les personnels et potentiellement la souffrance au travail. Il est également à craindre que les écarts exceptionnels entre les montants perçus par les EC se perpétuent. Les améliorations restent de plus insuffisantes pour rattraper le différentiel des rémunérations avec les fonctionnaires des autres ministères (hors éducation) ainsi qu’avec les collègues des pays comparables (États-Unis, Allemagne, Suisse, etc).

Le SNESUP-FSU s’oppose à la signature d’un accord qui pose comme préalable l’acceptation de la LPPR et qui conditionne la revalorisation  à l'instauration d'un recrutement de professeur·es totalement dérogatoire au concours de la fonction publique, les “professeur·es junior·es”, après une période de CDD de plusieurs années, contribuant ainsi à accroître encore l’emploi contractuel dans notre ministère. Ce dispositif susceptible d’alimenter à terme plus de 10 % du corps entraînera au sein de celui-ci des inégalités de parcours de carrière. Le SNESUP-FSU n’apportera pas sa caution à ce dispositif, intégré dans la LPPR vigoureusement dénoncée ces derniers mois par les organisations syndicales et toute la communauté universitaire, pour prix d'une amélioration de l'attractivité des carrières dont le besoin a fait l'objet de constats unanimes. 

Mobilisons-nous dès maintenant !

Le SNESUP-FSU appelle les collègues à se réunir dès maintenant en assemblées générales pour sortir de l’isolement, reconstruire du collectif, échanger sur les conditions de cette rentrée hors normes et discuter des modalités d’action pour faire barrage à la LPR. Il appelle à rejoindre la mobilisation interprofessionnelle du 17 septembre pour défendre les salaires, l’emploi et les services publics. Il appelle à se rassembler devant l’assemblée nationale à Paris et dans d’autres lieux symboliques partout en France, dès 14h le 21 septembre prochain, jour d’ouverture des débats parlementaires sur la LPR pour défendre un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, au service de toutes et tous, avec des moyens humains, financiers et matériels garantis et pérennes, où la précarité n’est plus de mise.

Appel voté à l’unanimité : 38 POUR / 0 CONTRE / 0 ABSENTION