Cneser5-9/11-brèvesSNESUP

Publié le 10 novembre 2005

Intervention orale du SNESUP
au CNESER du 9 novembre 2005

 

 

Le « Pacte pour la recherche » rendu public le 5 octobre vient en discussion aujourd’hui au CNESER. La recherche, l’une des missions des EPSCP, est pleinement de la compétence du CNESER d’après l’article L. 232-1 du Code de l’Education. Nous déplorons que, jusqu’à ce jour, le CNESER n’ait été ni informé, ni consulté sur la réflexion préparatoire. La réunion de ce jour ne peut être qu’une première réunion sur le contenu d’un projet de loi recherche. Nous désirons savoir si telle sera la perspective ?


Ce « Pacte pour la recherche », avec son exposé des motifs, son avant-projet de loi et ses fiches est un labyrinthe, qui, non content de décourager la lecture, entretient la confusion sur les mesures proposées. Il ne correspond, ni aux exigences formulées par la Communauté scientifique depuis janvier 2004 et lors des Etats Généraux de Grenoble, ni aux besoins économiques, sociaux et culturels du pays. Il ne porte de perspective réelle de développement que pour la recherche privée qui semble être au cœur même du projet.


Nous voudrions insister brièvement sur quelques points, qui figurent de façon plus détaillée dans notre déclaration écrite.

  1. Le Pacte ne se préoccupe nulle part du lien enseignement-recherche à tous les niveaux, alors qu’il est constitutif de l’Enseignement Supérieur. Avec la séparation des niveaux L et MD, la spécialisation de certains établissements et/ou de certaines régions dans le seul niveau L et la concentration des moyens sur un petit nombre de pôles, c’est une université à plusieurs vitesses qui se profile. Nous la refusons.
    Nous demandons la participation de plein droit de toutes les universités à des Ecoles Doctorales dans une logique de coopération et de réseau.
    Le système de recherche public doit assurer le développement des connaissances, et ceci dans tous les domaines. Pour cela, il faut assurer un financement récurrent des laboratoires et non basculer dans une logique de contrats de court terme, avec des financements considérables et prépondérants provenant d’agences au fonctionnement opaque, précarisant l'emploi scientifique et conduisant à affaiblir la cohérence, les complémentarités, les solidarités des équipes, des laboratoires, des établissements. Etes vous prêt à maintenir des PRES, tels que proposés par les Etats Généraux de Grenoble et à retirer de la loi les Campus Recherche et les fondations envisagées ? Sur ce point au moins, nous sommes d’accord avec la CPU.

  2. Pour les personnels, la précarité des jeunes chercheurs serait aggravée par des financements essentiellement sur contrats de l’ANR, ou par l’augmentation du nombre d’ATER, sans garanties pour leur situation ultérieure. Les bourses d’excellence pour quelques uns sont une solution inadaptée (bourse Descartes).
    La modulation des services entre chercheurs et enseignants-chercheurs, l’attribution de décharges sur projet pour un petit nombre, les conditions d’attribution des primes risquent de favoriser des discriminations entre collègues. Le projet refuse de prendre en compte les revendications des personnels : demi service pour tous les nouveaux nommés, prise en compte dans le service de l'ensemble des activités de formation, de recherche et d’administration, 150 heures pour tous , égalité TP-TD. Nous vous demandons de prendre des engagements sur ces points.
    Le texte ignore les vertus du service public et des statuts de fonctionnaires (MCF, PU, CR, DR) qui pourtant sont des facteurs d'attractivité du système français pour un nombre important de collègues étrangers.

  3. Le projet se caractérise par la domination des experts nommés dans toutes les instances, ce qui permet le pilotage par le seul gouvernement des orientations de la recherche.
    Le Haut Conseil de la Science doit comporter des élus de la communauté scientifique et des représentants de la société civile dans sa diversité. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?
    L’AER, telle que prévue avec l’empilement des instances et le principe de nomination de ses membres, vise à imposer les seuls critères gouvernementaux ou marchands dans l’ensemble des procédures d’évaluation. Une instance d’évaluation doit comprendre des représentants élus de la communauté scientifique et pas seulement des représentants désignés de représentants partiellement élus. Les critères d’évaluation doivent faire l’objet d’une discussion avec la communauté scientifique et la transparence de l’évaluation doit être assurée. Des instances de recours doivent être explicitement prévues. Nous exigeons que les missions du CNU et du CoNRS soient garanties dans les évolutions possibles du système, avec la participation majoritaire d’élus à l’évaluation effective.
    En outre, tant l’absence de référence aux femmes dans ce projet que les décisions et déclarations ministérielles sur ce sujet nous ont alarmés – comme elles ont mobilisé l’ensemble de la Communauté Scientifique. Il faut d’autres mesures pour lever les obstacles auxquels se heurtent les jeunes chercheurs et spécifiquement les jeunes femmes, dont tous s’accordent à reconnaître qu’elles devraient être très nombreuses à s’engager dans la recherche et à accéder aux fonctions de responsabilité. Un signal fort doit être envoyé y compris en ce qui concerne le Conseil Scientifique du CNRS et l’ensemble des nominations dans les instances consultatives et décisionnelles de haut niveau.

  4. Enfin, le volet programmation est tout à fait insuffisant et ne correspond pas à ce que doit être le rayonnement scientifique de la France en Europe et dans le monde. Il faut à la fois garantir les renouvellements d’emplois dus aux départs en retraite et assurer de nouvelles créations en nombre important.
    Il faut 8 ans au moins du bac à la recherche. Il est donc indispensable de programmer sur une dizaine d'années des recrutements. Il faut accompagner cette programmation de mesures pour encourager les jeunes chercheurs dans toutes les disciplines et favoriser des recrutements comme fonctionnaires au plus près de la thèse, tout en encourageant des mobilités choisies. D’une manière générale, la revalorisation des carrières et l’ouverture de perspectives pour tous sont absolument nécessaires.
    Un nombre minimum de 4 500 créations d’emploi par an est raisonnable. Cet affichage est l'un des signaux forts dont la communauté scientifique et toute la jeunesse ont besoin. Il doit être précisé et intégré dans une vraie loi de programmation, comme cela a été fait pour d’autres lois (loi de Programmation Militaire; loi de Programmation pour la cohésion sociale). Le budget 2006 ne préfigure pas une telle programmation. Etes vous prêt à vous avancer sur ces points ?

Pour ces raisons, les représentants du SNESUP s’opposeront à ce projet. Ils vous appellent à le retirer et à ouvrir enfin de vraies négociations avec les représentants des acteurs de la recherche et du puissant mouvement impulsé en 2004 dans la communauté scientifique.