Communiqué de presse SNESUP FSU

Publié le 18 mai 2015

Monsieur le Premier Ministre,

Si, comme vous l'avez déclaré le 11 mai dernier1, l'absence de Ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche en France « n'empêche personne de dormir », nous souhaiterions que vous cessiez de nous imposer « des réformes à dormir debout », que vous reconnaissiez à la hauteur de leur engagement, l'investissement des agents de ce service public de l'Etat, et que vous entendiez enfin leurs demandes en changeant de politique.

Dans son courrier du 17 avril dernier, resté sans réponse à ce jour, le SNESUP-FSU vous a interpellé en portant à votre connaissance un bilan synthétique des réformes de ces dix dernières années, et en vous alertant sur leurs conséquences dramatiques, dans le texte reproduit ci-dessous. Les personnels et les étudiants méritent mieux que cette désinvolture gouvernementale à leur égard !

 

Deux années après le vote de la loi d'orientation pour l'enseignement supérieur et la recherche qui impose les regroupements (ComUE, Associations, fusions), la StraNES, le HCERES, CSR et SNR, et celui de la loi « refondation » qui a créé les ESPE ;

trois années après la parodie des assises de l'Enseignement supérieur et de la recherche au cours desquelles la parole des agents a été confisquée par les exécutifs des établissements et des régions ;

quatre années après le « grand emprunt » et les appels à projets des programmes d'investissement d'avenir (Idex, Labex, Equipex, IRT, IHU, SATT, BPI) qui ont concentré sur une minorité les investissements dont tous ont besoin ;

cinq années après la SNRI qui a défini les Alliances ;

sept années après la casse de la formation des enseignants par Monsieur Xavier Darcos ;

huit années après le changement de l'assise du crédit impôt recherche (CIR) et le vote de la loi « libertés, responsabilités des universités » (LRU) qui a créé les fondations, le plan « carrières », et imposé aux établissements et universités les « responsabilités et compétences élargies » ;

neuf années après la loi de programme pour la recherche qui a mis en place les PRES, des RTRA, des RTRS, les instituts Carnot, le fonds unique interministériel (FUI), des pôles de compétitivité, des SAIC, l'agence nationale de la recherche (ANR), l'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement Supérieur (AERES), le haut conseil à la science et à la technologie (HCST) ;

après 10 années de réformes permanentes, Monsieur le Premier Ministre, les agents de la fonction publique de l'Enseignement supérieur et de la Recherche sont épuisés. La situation des structures et des personnels est en effet dramatique :

  • la formation des enseignants n'est toujours pas reconstruite ;

 

  • la précarité atteint des taux inégalés ;

 

  • pour la première fois depuis 2009, alors que le nombre d'étudiants progresse, en 2015, le nombre de recrutements ne compensera pas les départs en retraite ;

 

  • les établissements n'auront pas eu connaissance de leur dotation 2015 avant le 27 avril ;

 

  • les budgets des instituts de recherche des universités et du CNRS sont en baisse ;

 

  • si nous voulions atteindre 1% du PIB consacré à la recherche publique dans 10 ans, il faudrait recruter 5000 enseignants-chercheurs et chercheurs par an et augmenter le budget de 300M€/an (et non pas geler des postes
  • dans les établissements pour faire face à l'augmentation des dépenses et à la baisse tendancielle du budget de l'ESR) ;
  • les inégalités de dotation entre établissements progressent ;

 

  • les inégalités de dotation entre laboratoires et disciplines explosent ;

 

  • les hiérarchies et les dérives mandarinales se multiplient ;

 

  • les regroupements forcés d'établissements à des échelles parfois interrégionales se heurtent aux votes d'opposition dans les CT d'établissement comme au CNESER et exacerbent des tensions comme à Rennes ou au sein de la ComUE HESAM ;
  • avec le cumul des tâches de recherche de financements non pérennes, de suivi de l'insertion des étudiants, de transfert de technologie de la recherche publique vers la recherche privée, d'évaluations multistrates,... lasouffrance au travail est palpable et les burn-out se multiplient ;
  • l'agenda social de l'ESR est en panne ;

 

  • sous l'effet de l'inflation et du gel du point d'indice, les agents, comme l'ensemble des fonctionnaires ont perdu, annuellement en pouvoir d'achat, l'équivalent de 2 mois de salaire depuis 2000 et de 3 mois depuis 1990 ;

 

  • les ministères tardent à ouvrir des négociations sur les grilles des catégories A+ ;

 

  • avec huit années de formation post bac et souvent 1 à 2 années de post doc à l'étranger, un enseignant chercheur est recruté à 1,5 SMIC !

 

  • l'étude de la Cour des comptes montre que l'ensemble des chercheurs et des enseignants-chercheurs ont un déficit de rémunération annuel de plus de 21000€ par rapport aux administrateurs civils de qualification équivalente ;
  • après avoir été sous la tutelle d'une Ministre devenue Secrétaire d'Etat lors du dernier remaniement ministériel, les institutions de l'enseignement supérieur et de la recherche n'ont plus d'interlocuteur politique dédié depuis presque trois mois...


Monsieur le Premier Ministre, nous vous demandons :

  • un moratoire dans les réformes afin d'établir un état des lieux, une étude d'impact et un bilan des lois et décrets qui se sont succédés depuis 10 ans en matière d'enseignement supérieur et de recherche ;
  • la réaffirmation des priorités du Président de la république envers la jeunesse, l'éducation et la recherche ;
  • une traduction concrète de ces priorités politiques dans la loi de finances 2016 et les dotations des établissements de l'ESR qui permette d'une part un aménagement équilibré du service public sur le territoire, la relance de la démocratisation de l'ESR, et d'autre part, un développement de la recherche sur la base d'emplois et de financements pérennes pour l'ensemble des champs scientifiques ;
  • un interlocuteur responsable de la politique de l'enseignement supérieur et de la recherche qui soit comptable de ces priorités.

Dans l'espoir d'une réponse favorable à nos demandes, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de nos salutations respectueuses.

Hervé CHRISTOFOL
Secrétaire Général du SNESUP

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(1) Cf dépêche AEF n°500279