Emplois et carrières dans l'ESR

Publié le : 21/01/2013


Emploi et carrières dans l’ESR

Par Philippe Aubry, secrétaire national, responsable du secteur SDP

La communauté universitaire attend une correction des dispositifs législatifs et
réglementaires, inadaptés pour résorber la précarité, et un volet programmatif sur l’emploi
intégrant des améliorations sur les carrières et la disparition de statuts dérogatoires.

Dans l’organisation des Assises, le ministère
avait scandaleusement omis des thèmes
de réflexion les questions majeures de l’emploi,
des carrières, des conditions de travail et
des budgets. Le SNESUP avait immédiatement
dénoncé cette mise à l’écart au moment
où les établissements et les organismes peinent
à assurer leurs missions avec des personnels
de plus en plus précaires et des fonctionnaires
aux carrières et aux salaires dégradés.
Alors que ces problèmes se sont heureusement
invités dans les débats sous la pression
syndicale et la mobilisation grandissante à
l’automne des précaires, il importe que les
réponses législatives aillent au-delà des propositions
du rapport Le Déaut, qui ne sont pas
à la mesure des attentes des collègues.

 Emploi et précarité

 

Les études statistiques confirment régulièrement
le sous-encadrement administratif
comme pédagogique de l’université française
par rapport aux autres pays de l’OCDE, avec
toutes ses conséquences néfastes sur les conditions
de travail des étudiants
et des personnels. Pourtant
l’insuffisance des dotations
budgétaires condamne les
établissements à gérer la
pénurie, notamment en
sacrifiant l’emploi : 1 500
postes ont été gelés et la
publication des emplois de
PRAG-PRCE pour l’an prochain
a fait apparaître une
baisse de 300 postes par
rapport à l’année précédente.
Les conséquences de la loi du 12 mars
2012, dite « loi Sauvadet », restent bien trop
faibles dans notre ministère en regard de l’explosion
de l’emploi contractuel : le ministère
acte seulement 8 400 éligibles à la titularisation
suivant les critères de la loi dans les universités
et 1 400 dans les organismes de recherche. Le
rapport suggère bien d’améliorer la loi mais
ses propositions sont incomplètes, les chargés
d’enseignement employés abusivement
comme vacataires depuis des années resteraient
ainsi écartés des dispositifs de CDIsation
comme de titularisation. 

Un retour à une régulation et une gestion
nationales des personnels titulaires doit être
complété par des dotations correspondant
aux besoins des établissements pour exercer leurs missions. Ces besoins justifient un
accroissement de 5 000 enseignants-chercheurs/
chercheurs et 5 000 BIATSS/ITA par an.
Le rapport ne s’engage cependant pas sur
l’apport de moyens nouveaux en personnels
en envisageant un plan de recrutement uniquement
sous l’angle de titularisations pour les
9 800 éligibles à la loi Sauvadet. 

Pour éviter de reconstituer à
l’avenir des situations de
précarité, il est essentiel de
réduire le nombre de bases
légales offertes dans l’ESR
pour recruter des non-titulaires,
tout particulièrement
enseignants, en veillant à
renforcer les garanties
offertes aux intéressés. 

L’efficacité des chartes préconisées
par le rapport reste
illusoire pour mettre fin à la
précarisation tardive des chercheurs au vu
des contournements et pratiques abusives
passées des établissements. 

Carrières 

 

Les rémunérations des enseignants du supérieur
souffrent de la comparaison avec celles
du secteur privé, de leurs collègues à l’étranger,
mais aussi d’autres fonctionnaires quand
on prend en compte la part indemnitaire. Le
pouvoir d’achat s’est nettement dégradé
depuis les années 80 alors même que le service
d’enseignement a été alourdi. Les effets
du « plan carrière » de 2009 sont restés principalement
circonscrits aux MCF recrutés
depuis, en amortissant la baisse d’attractivité
des salaires d’entrée dans la carrière par une meilleure prise en compte de l’expérience
antérieure. Cela n’améliore pas pour autant les
perspectives de carrière puisque les rapports
du ministère font le constat d’un accroissement
de l’ancienneté des MCF recrutés PR
entre 2005 et 2011 et d’une poursuite de la
dégradation du rapport PR/MCF. Quant à
ceux qui sont plus anciens dans le métier,
recrutés eux aussi à bac + 8, ils vivent mal
d’avoir été écartés de toute reconnaissance de
leurs qualifications. Les PR restent confrontés
au goulot d’étranglement du passage de
deuxième en première classe. Par ailleurs,
le ministère Pécresse n’a pas concrétisé ses
promesses d’amélioration de la situation des
enseignants du second degré en poste dans
le supérieur, souvent pénalisés dans leur carrière,
en comparaison de leurs collègues dans
les autres filières post-bac. 

Au lieu de multiplier statuts dérogatoires ou
primes créant la concurrence entre personnels,
et qui ont développé les effets du clientélisme
local et le cumul de rémunérations de
quelques-uns au plus près des postes de décision,
il faut des mesures pour tous les acteurs :
révision des grilles, intégration des primes
dans les salaires, droit systématique à un
CRCT pour les EC... 

De même, la révision des procédures de
recrutement, dans un autre cadre avec des instances
garantissant collégialité et pérennité,
doit remettre en question les régimes dérogatoires
comme l’agrégation du supérieur ou
la dispense de qualification pour certains EC.
Hormis la proposition d’un enseignement à
demi-temps pour leur première année, le
rapport laisse les enseignants et les EC sur leur faim.