Entretien avec Yves Jean, président de l'université de Poitiers

Publié le : 15/05/2012


ENTRETIEN AVEC Yves Jean, président de l'université de Poitiers

Un projet global, fondé sur la défense du service public d'enseignement supérieur, a permis le succès des listes conduites par Yves Jean

Comment analyses-tu la dynamique qui a conduit au succès des listes, succès qui a permis ton élection comme président de l'université de Poitiers ?
Suite au soutien du SNESUP en septembre, six mois avant les élections, j'ai annoncé publiquement, devant 60 collègues, ma candidature à la présidence de l'université, indiquant les principales orientations de mon projet et mes valeurs : valoriser le service public d'enseignement supérieur, élaborer une stratégie scientifique, une université mobilisée pour la réussite des étudiants, renforcer l'attractivité de notre université, favoriser les complémentarités avec les universités de La Rochelle, Limoges mais également Tours et Orléans... Suite à cette déclaration de candidature, j'ai rencontré, par petits groupes de 3 à 5 collègues ou personnels BIATSS, environ 400 personnes entre octobre et fin janvier.
En parallèle, j'ai sollicité individuellement des collègues pour rejoindre un comité de soutien et, à la mi-décembre, nous avons présenté les 200 premiers
noms de ce comité soit environ 15 % des enseignants-chercheurs. Ce comité a été réuni deux samedis afin de coélaborer avec les membres de mon
équipe, constituée au fil de la campagne, le projet. Début février, je présentai le projet global ainsi que l'équipe à la Maison des Étudiants devant 250 personnels.
Nous avons ouvert un blog dans la foulée, le même jour, 20 thèmes étaient présentés avec, par thème, nos orientations et nos propositions précises. Ayant proposé un débat public à mon collègue candidat pour l'autre liste, ce dernier s'est déroulé le 15 mars devant 450 personnes, retransmis sur la chaîne de l'université, regardé par 1 100 personnes.
Ce débat de 4 h 20 a permis d'aborder les propositions des deux candidats pour six thèmes, formation, recherche, etc. Pour résumer, une démarche
d'écoute des personnels alimentant l'élaboration d'un projet global et concret structuré par des valeurs, prônant une gouvernance collaborative.

Tu as exercé plusieurs années la fonction de directeur d'UFR. Quelles sont les évolutions que tu as pu observer dans les relations entre les composantes et l'exécutif présidentiel depuis la mise en place de la loi LRU. Où se situent selon toi les points d'équilibre ?
Avec le passage aux RCE découlant de la LRU, la mise en place des PRES, les effets de regroupements d'UMR en instituts suscités par la logique de pôles
du Grand Emprunt... se posent de manière inédite des problèmes de positionnement des UFR dans la gouvernance des universités. Les risques sont nombreux de voir le rôle de cette échelle organisationnelle s'amoindrir. De nombreux établissements ont tendance à court-circuiter les UFR par l'instauration inflationniste de groupes de pilotage ad hoc dits techniques auprès de la présidence ou des conseils centraux, sans représentation statutaire des UFR en leur sein, par l'établissement d'un dialogue hors UFR entre départements d'enseignement ou laboratoires de recherche, érigés abusivement en « composantes » et les services centraux de l'université.
Il me semble que les UFR ont vocation à tenir un rôle de premier rang dans la gestion de proximité avec l'ensemble des personnels mais aussi dans la réflexion stratégique de l'université. Les UFR doivent être reconnues comme des opérateurs majeurs dans la définition de l'offre de formation et dans la gestion des postes (enseignants et non enseignants, Formation + Recherche), opérateurs qui ne sauraient être mis sous curatelle des conseils centraux. Il faut rester vigilant pour éviter un « dialogue de gestion » factice car très contraignant, qui aboutirait à imposer aux UFR des Contrats d'Objectifs et de Moyens tous alignés sur le même modèle.
Il est nécessaire que les UFR jouent pleinement leur rôle. Il faut, pour ce faire, les associer à l'élaboration de la politique d'établissement et de leur
reconnaître une réelle marge de manoeuvre dans sa mise en oeuvre, en se fondant sur le principe de subsidiarité

Propos recueillis par Jean Fabbri