Et la formation en alternance dans tout ça ?

Publié le : 15/10/2012


PRIORITÉ JEUNESSE 

Et la formation en alternance dans tout ça ?

par Christine Duprat, MCF, IUT de Toulouse 3 – Michelle Lauton, responsable du secteur Formations

Développer l’alternance, l’apprentissage dans l’enseignement supérieur... sont des modalités
de formation souvent avancées. Qu’en est-il vraiment ? Quelles garanties exiger ?

Sans évoquer le cas de la formation des
enseignants, il existe plusieurs modalités
de formation en alternance, diplômantes ou
non. Le dernier avis du CESE sur la jeunesse
(27 septembre) propose de « développer et
améliorer les dispositifs en apprentissage
».
Ici, nous nous restreindrons aux formations
en alternance régies par des dispositifs réglementaires
– contrats d’apprentissage (formation
initiale) et de professionnalisation
(formation continue) –. Peuvent-elles, partiellement
et avec les garanties adéquates,
permettre d’atteindre, voire dépasser, l’objectif
de 50 % d’une classe d’âge diplômée au
niveau licence ? 
Ce type de formation, notamment diplômante,
peut paraître intéressant : 
• il peut convenir à certains étudiants, en
rupture avec le type d’approches et d’activités
proposées en formation initiale « classique
», quel que soit le baccalauréat obtenu ; 
• l’étudiant est garanti par un véritable contrat de travail avec tous les droits sociaux attachés, université et monde socio-économique se
rencontrent, notamment pour la définition du
parcours de formation de l’étudiant-salarié et
pour son suivi, et également pour des
échanges sur les aspects recherche et innovation
(PME/PMI) ; 
• cela peut permettre aux étudiants, de plus
en plus nombreux à travailler pour financer
leurs études, de combiner financement et
projet de formation. 
Mais n’est-il pas du rôle d’une société d’investir
dans sa jeunesse et de proposer des
financements permettant de réussir des
études sans devoir se salarier (cf. allocation
d’autonomie demandée par SNESUP et
UNEF) ? 
Cela conduit à s’interroger sur les points suivants
• l’étranglement budgétaire des universités
peut les amener à proposer ces parcours de
formation pour obtenir des ressources propres et non pour des objectifs pédagogiques.
En même temps, des entreprises multiplient
ces contrats sans embaucher ensuite
en emploi stable (CDI) ; 
• la conception de ces formations, même si
elle s’adosse à une formation initiale existante,
nécessite un profond travail de
réflexion pédagogique : sur les attendus, sur
les compétences acquises en entreprise. Il
faut aussi former l’étudiant à l’esprit critique,
et avec suffisamment de bases disciplinaires
et professionnelles pour qu’il puisse évoluer
dans sa vie professionnelle et citoyenne.
Doit-on l’envisager sur tout un parcours de
formation (le DUT, la licence, le master) ou
sur toute la durée d’études ? Un dialogue
avec le tuteur en entreprise doit permettre,
que les objectifs pédagogiques soient définis
et mis en oeuvre, y compris sur le lieu de travail.
Il faut également réfléchir sur le parcours
de formation adapté, non seulement à
l’alternance stricto sensu, mais aussi prenant en compte la diversité des postes de travail
des étudiants-salariés. Il faut donc du temps,
cette denrée devenue si rare dans l’enseignement
supérieur et la
recherche... ; 
• la viabilité de ces formations
repose sur les besoins de
qualification et sur la politique
des régions. Pourtant, des formations
s’ouvrent entièrement
en apprentissage, alors même
qu’une des richesses de ce
type de formation pourrait être
l’intégration de ces étudiants salariés
dans des parcours de
formation initiale. De plus, les
régions ont souvent fait le choix de privilégier
le financement des formations en
apprentissage, au détriment des reprises
d’études en formation continue diplômante ;
• si ce type de formation est utile dans le paysage
des cursus, il ne doit pas échapper à la
qualité exigée par les formations initiales
« classiques ». L’apprentissage
dans le supérieur est assez
élitiste, exigeant plus de travail
de la part des étudiants.
Actuellement aucune évaluation
correcte, prenant vraiment
en compte les caractéristiques
et la dynamique
propres à l’alternance, n’est
correctement menée. Cette
évaluation pourrait être dévolue
par exemple à un Conseil
Régional de l’Enseignement
Supérieur et de la Recherche (CRESER), en
lien avec le CNESER ; 
• à l’heure où l’exigence de formation des
enseignants-chercheurs commence enfin à être prise en compte (Services Universitaires
de Pédagogie...), il faudrait que l’on soit
formé au tutorat en entreprise, afin de pouvoir
bien encadrer tous les stagiaires, et que
cette activité soit prise en compte.
Au-delà de ces formations, de nombreux
jeunes salariés voulant reprendre des études
(master, par exemple) se heurtent à des problèmes
de financement (droits élevés demandés
par les universités), de faisabilité (emplois
du temps incompatibles)... Les dispositifs du
type DIF ont montré leur insuffisance. Il
nous faut faire des propositions.
Les formations en alternance doivent être
ouvertes à tous et non pas pensées comme
réservées à des publics particuliers (bacheliers
professionnels ou technologiques, étudiants
ne pouvant financer seuls leurs
études…). Elles doivent être le résultat d’une
démarche personnelle de l’étudiant.