Interview de S.Tassel par l'AEF

Publié le : 22/09/2009


Interview de S.Tassel, Secrétaire Général du SNESUP-FSU par l'AEF, publiée par l'AEF le mardi 22 septembre 2009 (dépêche n°119867)

« Jamais la tutelle n'aura eu autant de
leviers pour piloter autoritairement les activités universitaires »

« Jamais
la tutelle n'aura eu autant de leviers pour piloter autoritairement les
activités universitaires », estime Stéphane Tassel, secrétaire général
du Snesup-FSU,
dans un entretien à AEF. Il évoque aussi le mouvement des
enseignants-chercheurs du printemps 2009, et se félicite du gel des
suppressions de postes pour 2010 et 2011 ainsi que de l'introduction de
l'équivalence TP=TD « mais qui faute de moyens » ne bénéficiera pas à
tout les enseignants-chercheurs. Stéphane Tassel revient enfin sur la
mise en place des comités de sélection qui posent la question de la
« collégialité des prises de décisions » mais aussi « l'incapacité du
CA par sa composition même à recruter ».

AEF : Quel bilan faites-vous du mouvement du printemps dernier dans les universités ?

Stéphane Tassel : Peut-on
parler de bilan, alors que le gouvernement n'a pas apporté de vraie
réponse à la communauté universitaire. Le mouvement de l'année dernière
n'est pas derrière nous ! Il y a eu un avant, et dans son prolongement
il y aura un après. Jamais la tutelle n'aura eu autant de leviers pour
piloter autoritairement les activités universitaires : les répartitions
budgétaires opaques entre établissements, le poids des personnalités
extérieures dans les CA - notamment dans les passages aux RCE
-, les écritures « tutelle compatible » des divers contrats d'objectifs
et de moyens, les pouvoirs des présidents d'université sur les
enseignants-chercheurs, sur leurs recrutements, sur leurs carrières,
sur leurs salaires.

Mais contrairement à ce que certains disent,
ce mouvement n'a pas servi à rien. Il a favorisé la prise de conscience
par la communauté universitaire des dangers de la politique actuelle et
des exigences pour le service public et il a obtenu des résultats. Nous
avons obtenu certaines limitations à la modulation des services. En
cette période de disette pour le service public, nous avons arraché le
gel des suppressions de postes dans l'enseignement supérieur et la
recherche pour les deux années qui viennent. Si l'introduction de
l'équivalence TD=TP dans le statut des enseignants-chercheurs
correspond à une revendication de notre organisation, faute de moyens
et en raison des conditions restrictives de son application, certains
n'en bénéficieront pas, provoquant de nombreuses tensions.

S'agissant
de la réforme de la formation et du recrutement des enseignants, le
nouveau calendrier et les dispositions transitoires ne correspondent
pas aux plans initiaux du gouvernement. Le gouvernement a été contraint
sur ce dossier de donner un rôle au Cneser
notamment sur le nécessaire cadrage national des masters liés à
l'enseignement, à l'instar de celui obtenu pour les études de médecine.

AEF : Comment analysez-vous l'évolution du CNU ?

Stéphane Tassel : Je
dirais que c'est un autre effet du mouvement et des interventions
syndicales : le gouvernement a été contraint de redonner la main au CNU
sur les promotions tout en faisant évoluer ses missions avec sa
nouvelle fonction d'évaluation des enseignants-chercheurs. Évaluer oui,
mais la question est de savoir pour quoi faire et comment ? S'il s'agit
d'une évaluation conçue pour sanctionner tel ou tel collègue, c'est
totalement inacceptable. Les élections à la CP-CNU, qui se dérouleront fin septembre, revêtent donc pour nous un enjeu politique important.

AEF : Comment abordez-vous cette rentrée ?

Stéphane Tassel : Combatifs
et déterminés. Même si la ministre promet une rentrée sereine, la
rentrée reste très tendue. Dans toutes les composantes de l'université
(UFR, IUT, IUFM, …) les motifs de mobilisation sont là. Si le ton de
Valérie Pécresse a également changé depuis juillet, nous ne sentons pas
plus d'ouverture, mais plus de précautions. Un point particulier sur
les comités de sélection : non seulement leur composition est
contestable, mais on assiste dans certains cas à des changements de
classements par le président ou par le conseil d'administration devenu
jury de concours. De même, des postes n'ont pas été pourvus. Ces
situations renforcent le localisme.

Par ailleurs, la conjonction
de sujets comme l'application de l'équivalence TD=TP sans compensation
par création d'emplois de fonctionnaires – nous l'évaluons à plus de
2 000 emplois–, l'absence de garantie sur un cadrage national de la
formation des enseignants, la profonde désorganisation des préparations
aux concours et des IUFM à cette rentrée, la grave mise en cause du
cadre national des programmes des IUT par les contrats locaux
d'objectifs et de moyens, et plus largement la restructuration en cours
dans l'enseignement supérieur, sont sources de vives tensions dès
septembre.

La mise en œuvre du référentiel national des
équivalences des tâches risque aussi d'être difficile, puisqu'elle se
fait sans moyens et qu'elle délègue la définition d'équivalences
horaires au niveau local. Les intitulés des tâches sont trop vagues et
recouvrent des réalités très différentes selon les établissements.

AEF : Sur quels autres dossiers allez-vous vous pencher cette année ?

Stéphane Tassel : Nous
serons donc sur tous les fronts, qu'il s'agisse de l'emploi, des
risques liberticides de l'application des statuts des
enseignants-chercheurs, de la formation et du recrutement des
enseignants, de la revitalisation des organismes de recherche, ou du
financement du service public d'enseignement.

La restructuration
forcée du paysage universitaire est également un point sensible tant
pour la recherche que pour les formations. Facteur essentiel de
démocratisation de l'enseignement supérieur, quelle place pour une
université de proximité de plein exercice ? Sur toutes ces questions,
les débats avec la communauté universitaire ont été confisqués. Quand
de vrais débats ? On peut se poser la question de la place laissée au
Cneser d'une manière générale. Nous dérivons progressivement vers un
pilotage extrêmement fort et absolument pas collégial, qui met en
danger les libertés académiques et scientifiques. La communauté
universitaire doit être entendue ! Nous proposons à nos partenaires
d'organiser ensemble, et ce rapidement, des état généraux de
l'enseignement supérieur et de la recherche.