La polyvalence des enseignants de l’école primaire : l’enseignant au travail
La polyvalence des enseignants de l'école primaire : des rhétoriques à l’enseignant au travail (1)
- Thierry Philippot, URCA CEREP EA 4692
- Gilles Baillat, URCA CEREP EA 4692
Depuis près de trente ans l'école primaire, et ses enseignants, sont l'objet de multiples critiques et interrogations. L'école primaire serait « le maillon faible » du système éducatif français. Le travail de ses enseignants ne serait pas efficace. Une nouvelle fois, c'est par la réforme de l'école primaire et de la formation des enseignants que le gouvernement tente de répondre à ces critiques et interrogations. L'école primaire est devenue La priorité de la Refondation de l'école de la République lancée en 2013. Les missions de l'école sont redéfinies, et de fait celles des enseignants du primaire. Toutefois, dans ce vaste projet de refondation l'enseignant et son métier semblent être oubliés. C'est pourtant sur eux, sur leur travail dans le quotidien de la classe et de l'école que repose la mise en oeuvre de cette refondation. Dans ce contexte, la question de la polyvalence des enseignants du primaire, et plus particulièrement celle du travail réel de ces enseignants, est d'actualité. Au-delà des discours sur les enseignants du primaire que sait-on de l'enseignant au travail ?
La polyvalence des enseignants est d'abord présentée, dans ce texte, comme un ensemble de rhétoriques construites à partir d'une notion polysémique et d'un artefact idéologique celui du maître polyvalent. Ces rhétoriques sont à la fois un prisme et un voile posé sur les enseignants de l'école primaire et leur travail. Les travaux de recherche menés sur la polyvalence des maîtres à partir des années 1990 permettent de mettre à jour et de caractériser une autre polyvalence : la polyvalence au quotidien. Cette polyvalence, abordée dans la seconde partie du texte, est un ensemble d'adaptations pragmatiques réalisées par les enseignants pour faire face aux exigences, aux contraintes de leurs situations de travail. Toutefois, ces adaptions pragmatiques ne sont pas sans poser un certains nombres de problèmes. Ce sont ces problèmes et défis liés à la polyvalence aujourd'hui qui sont présentés dans une dernière partie.
1. Des rhétoriques construites sur un concept flou.
La polyvalence en tant que forme substantive et le qualificatif « polyvalent », dessinent les contours d'un champ sémantique qui structure, de longue date, des rhétoriques de diverses origines sur les enseignants du primaire. Pour autant, ces deux termes sont l'objet de multiples constructions de significations et attributions de valeurs. Par exemple, la valeur dépréciative souvent attribuée à la polyvalence dans des sociétés dans lesquels le professionnel est bien souvent présenté comme l'expert, le spécialiste.
1.1 La polyvalence: une notion polysémique
Dans le sens commun, la polyvalence désigne une situation dans laquelle un objet ou une personne « a plusieurs fonctions, plusieurs activités différentes » (Le Robert). Dans ce sens et rapportée à une personne, la polyvalence est un état qui la distingue de celle qui n'aurait qu'une seule fonction ou une seule d'activité. Bien que cette première approche soit très générale, elle semble être peu opératoire dans son caractère discriminant, quel professionnel n'a pas plusieurs fonctions ? Pourtant, dans le discours sur les enseignants ne distingue-t-on pas les enseignants de l'école primaire et leur polyvalence, et, les enseignants du secondaire souvent présentés comme spécialistes ?
Le qualificatif « polyvalent » n'est pas plus précis. Le dictionnaire de la langue française propose une définition qui se rapporte directement à la situation des enseignants. Dans cet ouvrage, le professeur polyvalent y est défini comme : « un professeur qui enseigne plusieurs disciplines relevant de spécialités différentes » (Dictionnaire de la langue française du XIXe et XXe siècle, t.13, Gallimard 1988, p. 743). A la différence de la définition précédente, il n'est plus fait référence à des activités variées, mais à une situation professionnelle qui conduit un professeur à enseigner plusieurs disciplines. Une telle définition peut tout à la fois désigner un enseignant de lycée professionnel qui a en charge, par exemple, le français, la géographie et l'histoire, un enseignant d'histoire géographie, un enseignant d'éducation physique et sportive comme elle peut tout autant se rapporter à l'enseignant de l'école primaire. Pourtant force est de constater que dans les discours, le qualificatif « polyvalent » est bien plus fréquemment mobilisé à propos des enseignants du primaire que ceux du second degré. On lit, par exemple dans le dictionnaire de Pédagogie (Bordas, 1996) que seules quelques catégories d'enseignants peuvent être qualifiées d'enseignants polyvalents : « Seuls les instituteurs, les professeurs des écoles, les professeurs des ex-collèges d'enseignement général (CEG) qui succédaient aux cours complémentaires et certains professeurs de lycées professionnels peuvent être dits être, ou avoir été, polyvalents» (Dictionnaire de Pédagogie, p. 225). Ainsi, si certaines disciplines sont traditionnellement associées dans l'enseignement secondaire, comme par exemple l'histoire et la géographie ou la physique et la chimie, etc., et si leur enseignement est confié à un professeur unique, ces enseignants ne sont pas qualifiés pour autant de polyvalents. Cela prouve que « la notion de polyvalence est associée essentiellement à des structures d'enseignement, et non à des groupements traditionnels ou occasionnels de nécessité» (Ibid., p. 226).
Dans les discours de différentes natures relatifs aux enseignants, « polyvalence » et « polyvalent » opèrent comme des catégories descriptives à partir des quelles sont produits de multiples énoncés. Or, ces deux formes linguistiques sont chargées de multiples significations.
Dans un article dans lequel ils interrogent la polyvalence du maître d'école, Deviterne, Prairaz et Retornaz (1999) proposent cinq sens pour le mot polyvalence.
- La pluridisciplinarité
« Dans son acception la plus commune, la polyvalence est la maîtrise didactisée, professionnelle, de l'ensemble des disciplines ou des domaines à aborder à l'école primaire. C'est la pluridisciplinarité qui caractérise en ce sens le maître du primaire, par opposition à la spécialisation, à l'expertise dans une discipline, dans le secondaire et le supérieur » (Deviterne et al., 1999, p. 92). Ce premier sens est assez proche des définitions proposées jusqu'alors. Cette pluridisciplinarité pourrait être interprétée comme une esquisse de « pluri-spécialisation » ; des enseignants certes « polyvalents mais pointus » (Dupuis, 2007, p. 30). Une telle approche de la polyvalence pose, pour les enseignants, la question de la maîtrise des différentes matières scolaires à enseigner.
- L'interdisciplinarité
« La polyvalence peut s'entendre comme la maîtrise des connexions à instaurer entre les disciplines.[...] La notion qui émerge est celle d'interdisciplinarité, qui permet de dépasser l'appréhension de la polyvalence comme simple juxtaposition de disciplines.[...]. Ces liaisons peuvent impliquer une polyvalence « synchronique » (« aptitude à l'articulation des objets d'enseignement dans le cadre d'une même séquence ») ou « diachronique » (« capacité à enchaîner de façon signifiante des séquences différentes ») ; une polyvalence « réactive » (« aptitude à saisir, sans intention préalable, les occasions d'articulations »), ou « proactive » (« construction préalable et délibérée de séquences interdisciplinaires, par exemple à partir d'un thème, d'une compétence, d'un projet ») » (Deviterne et al., 1999, p. 92).
De ce point de vue la polyvalence serait une situation de travail privilégiée, qui permettrait à l'enseignant d'établir des « ponts » entre les disciplines. Elle ferait de celui-ci un « spécialiste » de la mise en relation des disciplines au service des apprentissages des élèves. Toutefois, qu'elle soit « synchronique », « diachronique », « réactive » ou « proactive » la polyvalence ainsi conçue renvoie, elle aussi, à la maîtrise, à la connaissance, des matières scolaires. Elle requiert, en effet, de la part des maîtres une expertise de haut niveau dans toutes les disciplines condition indispensable à l'élaboration d'articulations entre disciplines.
- La transdisciplinarité
« La polyvalence peut être pensée comme une capacité de proposer des contenus, tâches et activités propres à développer chez l'élève des compétences transversales (compétences méthodologiques, attitudes sociales et intellectuelles, maîtrise des concepts de temps et d'espace)» (Ibid., p. 93). Alors que les trois premiers sens placent les disciplines scolaires et leur mise en relation au cœur de la professionnalité des enseignants du primaire, ce quatrième sens met en avant une approche a-disciplinaire de l'enseignement ou tout du moins une approche qui met les disciplines scolaires au service de la construction de compétences transversales.
- La poly-fonctionnalité
Ce sens fait référence au double mandat de l'enseignant (Tardif et Lessard, 1999) et aux missions de l'école, « l'enseignant doit certes enseigner, mais il doit aussi éduquer. A côté de cette dualité essentielle des missions de l'école, on peut discerner une multiplicité de fonctions connexes assumées au quotidien par les maîtres » (Deviterne et al., 1999, p. 93).
- La poly-intervention
Dans un cinquième sens la polyvalence de l'enseignant, « peut être comprise comme poly-intervention. D'une part, le maître polyvalent peut être appelé à intervenir à tous les niveaux du primaire, [...] ; d'autre part il doit être prêt à exercer dans des situations et auprès de populations ou d'individus fort hétérogènes, d'une école à l'autre, d'une classe à l'autre, ou au sein d'une même classe » (Ibid., p. 93).
Ces deux derniers sens peuvent être rapprochés d'une autre acceptation possible, celle de « polyvalence de rôles » (Mérini, 2007) pour qualifier, aux regards des évolutions du travail des enseignants du primaire, les multiples rôles qu'ils sont amenés à jouer aujourd'hui dans et hors de la classe (Marcel et Piot, 2005).
La notion de polyvalence apparaît donc, « saturée de significations relevant de registres différents puisqu'on y trouve tout aussi bien : la question de la maîtrise des contenus et celle des techniques d'apprentissage, le problème de la cohérence de ces apprentissages, ainsi que celui de la transversalité » (Baillat, 2001, p. 94). Plus largement, on peut mettre en avant que le champ sémantique de la polyvalence permet de désigner différents aspects du travail enseignant. Les trois premiers sens présentés renvoient à ce qui est souvent admis comme étant le « coeur du métier » de l'enseignant, à son activité dans la classe. C'est alors bien souvent cet acte professionnel qui est qualifié de polyvalent : un maître unique et un enseignement polyvalent. Les derniers sens quant à eux concernent l'enseignant en tant qu'acteur social dans l'institution scolaire. La polyvalence est alors à comprendre comme signifiant les diverses fonctions que l'enseignant doit assumer en lien avec les missions que la société, à un moment de son histoire, confie aux enseignants de l'école primaire, mais aussi avec les conceptions dominantes du travail enseignant qui ont cours dans cette même société.
La polysémie du terme « la polyvalence » fait de celle-ci une notion floue et malléable mobilisable à diverses fins, par de multiples acteurs, dans leurs discours sur les enseignants du primaire et leur travail. Toutefois, les significations proposées ne se limitent pas aux seuls enseignants du premier degré, et elles ne les discriminent pas de fait. En effet, tous les enseignants connaissent des conditions d'exercice du métier extrêmement variées : par exemple, un enseignant du second degré peut exercer de la classe de Sixième à celle de Terminale. L'interdisciplinarité, comme la transdisciplinarité ne sont pas du domaine exclusif de l'enseignant du premier degré. Enfin, l'enseignant du second degré, comme celui du supérieur, connaissait aussi, au quotidien, la poly-fonctionnalité et la polyvalence de rôles. Dès lors, on ne peut que s'interroger sur l'usage quasi exclusif de la polyvalence et du qualificatif polyvalent à propos des enseignants de l'école primaire, et avancer que loin d'être « naturelle » (Bouchez, 1997), la polyvalence des enseignants de l'école primaire relève plus de la construction socio-historique liée aux évolutions de l'école primaire. Le « maître polyvalent » d'aujourd'hui, ne serait alors qu'un lointain héritier de ses devanciers du XIXe siècle.
1.2. La construction socio-historique du « maître polyvalent »
La situation professionnelle de l'enseignant du premier degré, désignée aujourd'hui par la polyvalence est « le produit de l'évolution historique de l'école. Le maître du XIXe siècle n'est pas polyvalent au sens où nous l'entendons aujourd'hui » (Baillat, 2001, p. 124). Comme le rappelle Prost (1968) au début du XIXe siècle trois traits caractérisaient les « maîtres d'écoles » : une faible compétence, une rémunération dérisoire et une forte dépendance statutaire par rapport au maire et / ou au curé de la commune. En ce qui concerne le métier d'enseignant - plus exactement d'instituteur - on risque pratiquement l'anachronisme à utiliser cette expression tant, c'est alors « un métier aux contours incertains », un métier qui « ne se dissocie pas d'une série d'activités connexes » notamment liées à l’Église, l'instituteur est alors un « clerc laïc » (Prost, 1968, p. 132-133). Ceux que l'on qualifie alors de maîtres d'école « sont donc de pauvres diables, mal payés, peu instruits, peu considérés » (Ibid., p. 136).
Aussi, c'est progressivement, au cours du siècle, à mesure que l'Institution primaire (Prost, 1968) se met en place en lien avec le contexte socio-politique et ses évolutions, que le métier d'instituteur prend un contour plus précis, qu'il devient au sein de la société une activité professionnelle spécifique. Du point de vue des « matières » à enseigner, l'essentiel de l'activité du maître consiste alors, dans des conditions matérielles difficiles, à apprendre à lire, écrire et compter. Souvent dans une salle de classe unique, selon une « progression ancestrale » l'enseignant doit gérer « trois classes », « dans la petite classe on apprenait uniquement à lire, on passait ensuite dans la seconde, où l'on apprenait à écrire ; dans la troisième classe, on enseignait la grammaire, l'orthographe et le calcul » (Ibid., p. 118). Très tôt, la figure du maître unique s'impose et son activité professionnelle se structure autour d'un « noyau dur » d'enseignements.
A partir de 1868, une nouvelle organisation pédagogique se met en place, les apprentissages du lire écrire, compter sont répartis sur les trois années, « L'orthographe, les quatre opérations sur les nombres entiers, des notions d'histoire et de géographie s'introduisent ainsi au cours élémentaire » (Ibid., p. 119). Peu à peu, la meilleure efficacité de l'enseignement du « lire écrire compter » permet de libérer du temps ; ainsi, « les progrès de l'organisation pédagogique et des méthodes d'enseignement permettent enfin à l'école primaire d'accorder une plus grande attention aux autres disciplines » (Ibid., p. 123). Par petites touches, au moins dans les textes officiels, de nouveaux enseignements prennent place dans l'école primaire.
A la fin du Second Empire, les programmes de Gréard (2) témoignent de « l'élargissement des préoccupations scolaires ». A.Prost ajoute que « l'école primaire porte son regard au-delà des rudiments » (Ibid., p. 123). De nouvelles disciplines scolaires (Chervel, 1988), telles que l'histoire et la géographie, sont inscrites dans les programmes d'enseignement successifs. Au cours du XXe siècle, le maintien dans l'école primaire du modèle du maître unique, et la poursuite du processus d'ajout de nouvelles matières à enseigner, et plus récemment des « éducations à... » à prendre en charge, contribueront à construire la polyvalence - polyvalence par accumulation - des enseignants du premier degré.
Historiquement, le maître d'école est donc, d'abord un « spécialiste des apprentissages fondamentaux » avant que, par ajouts successifs, il ne devienne polyvalent : « Il ne doit enseigner que les apprentissages fondamentaux du lire, écrire, compter. Ce n'est que très progressivement que de nouveaux domaines de connaissances (l'histoire, la géographie, les sciences...) sont venus s'agréger à ce noyau dur, conséquences de la volonté politique de donner à tous les petits Français un « viatique pour la vie » » (Baillat, 2001, p. 124). La polyvalence des enseignants apparaît dès lors comme le résultat de la volonté politique de « dire », à un moment donné de l'évolution historique, économique et sociale du pays, ce que les jeunes générations doivent apprendre et donc ce qu'un enseignant doit enseigner. Elle n'est donc pas naturelle et cette évolution ne s'est pas faite « sans susciter des réticences tant de la part des instituteurs qui craignaient que les élèves ne se mettent à négliger l'essentiel que de la part des catégories sociales dirigeantes qui voyaient d'un mauvais oeil cet enrichissement des objectifs de l'école du peuple » (Ibid., p. 124).
Ainsi les instituteurs sont devenus polyvalents dans les faits avant d'être qualifiés, par l'institution, d'enseignants polyvalents. C'est ce que montre Bouysse (1996) qui propose d'organiser l'histoire de la notion de polyvalence dans l'éducation autour de trois grandes phases. Avant 1960, on ne trouve pas de trace du terme dans la littérature. Ce qui a alors de l'importance, c'est plus « l'unicité du maître ». Avec les années 1960, la polyvalence arrive dans les discours officiels après l'idée de la « bivalence » des PEGC, de la « monovalence » de l'agrégé. Même si le terme est en usage depuis une dizaine d'années, c'est en 1972, que l'on note la première utilisation du terme dans un texte officiel à propos de la formation des enseignants. Il est intéressant de remarquer que cette apparition correspond, si l'on suit Lang (1999), au moment où la professionnalité traditionnelle qui était celle des enseignants de « l'ordre d'enseignement primaire » est en pleine mutation. Mutation liée d'une part, à l'unification des ordres d'enseignement primaire et secondaire en un système éducatif marqué par le modèle du secondaire, et d'autre part à la « démocratisation » de l'école et aux transformations de la société. Face à la spécialisation des enseignants du second degré, il était peut-être alors nécessaire d'affirmer la polyvalence de ceux du primaire. Enfin, les années 90 qui connaissent un usage plus prescriptif du terme de polyvalence.
Prairaz et Rétornaz (2002) avancent trois raisons pour rendre compte de cette construction socio-historique. La première se rapporte à la géographie et l'organisation scolaire dans une France restée essentiellement rurale jusqu'au milieu du XXe siècle. Aussi, « Dans la première moitié du XXe siècle, les petites écoles françaises sont très souvent des classes uniques. Ce n'est qu'à la fin des années 1950 que s'impose le modèle à deux classes et un peu plus tard celui à cinq classes » (Prairaz et Rétornaz, 2002, p. 588). Une seconde raison est d'ordre socio-éducatif, « l'offre d'intervention extérieure est inexistante ou quasi inexistante. L'école se vit alors comme une institution totale et autosuffisante pour préparer à l'entrée dans le monde du travail » (Ibid., p.588). En fin la troisième raison est idéologique, « l'acculturation et la socialisation des générations les plus jeunes ne peut être conçue ou imaginée selon une organisation pédagogique autre que celle ayant pour modèle le maître unique. L'unicité du maître s'affirme comme une évidence éducative » (Ibid., p.588).
La polyvalence de l'enseignant du primaire peut dès lors être considérée comme une construction socio-historique dynamique qui articule des attentes socio-politiques vis-à-vis de l'école primaire, des fonctions assignées à son personnel enseignant et des conceptions de l'enseignement à délivrer. En tant que construction socio-historique « le maître polyvalent » peut être assimilé à un artefact symbolique (Rabardel, 1995). Cet artefact est disponible au service des rhétoriques de la polyvalence, les différents acteurs peuvent l'utiliser et en faire un instrument (Rabardel, 1995) au service des finalités qu'ils poursuivent dans leurs discours.
1.3. Les rhétoriques de la polyvalence comme prescriptions
A partir des années 1990, se développe en France, une vision très normative de la professionnalisation chez les spécialistes, les experts et les autorités scolaires, « cette vision normative voit dans la professionnalisation une collection de traits idéaux (autonomie, éthique, responsabilité, réflexivité, activité fondée sur la recherche, etc.) qu'il s'agit de faire advenir dans la réalité enseignante grâce à des réformes » (Tardif, 2007, p.173-174). Dans ce contexte, les rhétoriques de la polyvalence sont reprises dans un ensemble discursif d'origine variée qui en fixant les attendus du métier idéal - faire advenir « le maître polyvalent » - participent de la définition du poste de travail des enseignants du primaire et de sa professionnalité. La polyvalence peut alors être comprise comme un système de normes professionnelles, de prescriptions définissant le travail prescrit des enseignants.
Dans cette perspective, la rhétorique de la polyvalence exprimée à travers les textes institutionnels et les référentiels de compétences relèvent de ce que Six (2002) appelle les prescriptions descendantes. Ces différents textes définissent la « polyvalence formelle » (Baillat, Espinoza et Vincent, 2001), c'est-à-dire le travail tel qu'il est prescrit, par le ministère et ses représentants, aux enseignants de l'école primaire. L'analyse de ces textes met en évidence que la prescription n'est pas dénuée d'ambiguïtés. Ainsi, quand dans le référentiel des compétences et capacités caractéristiques du professeur des écoles (1994), la prescription est très explicite, « le professeur des écoles est un maître polyvalent, capable d'enseigner l'ensemble des disciplines dispensées à l'école primaire, il a vocation à instruire et à éduquer de la petite section de maternelle au CM2». L'injonction est plus paradoxale dans un texte comme la « Charte pour bâtir l'Ecole du XXIe siècle » (M.E.N, 1998) et les textes qui lui feront suite. En effet, dans ces textes la polyvalence est tout à la fois valorisée et critiquée. On peut ainsi lire des appels à la mie en place d'une polyvalence d'équipe, à une réduction de la polyvalence de l'enseignant aux profits d'enseignants « spécialisés », voire à un encouragement à une spécialisation des enseignants du primaire pour « valoriser au mieux ses aptitudes personnelles en s'investissant plus à fond dans certains domaines » (M.E.N, 1998, p.7).
Dans un contexte de profonds bouleversements de diverses nature qui affecte le monde de l'enseignement (Maroy, 2006), faut-il voir dans ces injonctions paradoxales les difficultés d'une institution à définir clairement le travail prescrit adressé à ses enseignants tant la réalité est devenue complexe ? Toujours est-il que la prescription peut être qualifiée, pour le moins, de floue et qu'elle interroge sur la façon dont elle peut être reçue et retravaillée par les enseignants.
Dans le discours « officiel » des enseignants et celui de leurs représentants la polyvalence apparaît comme « un emblème facilement mobilisable » (Bottin, 2002, p.23). Elle fonde certes l'organisation du cadre de travail des enseignants, mais elle est surtout au cœur de l'identité professionnelle originale (Bishop, 2010) de ces enseignants qui les différencie de leurs collègues du secondaire (Baillat, Espinoza, 2006). De ce fait, « une grande majorité des enseignants se déclarent personnellement attachés à la polyvalence » (Baillat, Espinoza, 2006, p.287). Si la composante identitaire est un argument important avancé par les enseignants pour justifier leur attachement à la polyvalence, quatre autres arguments sont généralement invoqués: la pédagogie globale, la variété, la globalité de l'enfant, le référent unique, la souplesse d'organisation (Ibid., p.287-288). On peut voir dans cette dimension identitaire et l'attachement à la polyvalence, le poids de la construction socio-historique du « maître polyvalent ». Cette construction socio-historique renvoie à la dimension générique (Clot, 2008) du métier d'enseignant à l'école primaire, à son histoire collective. Aussi pour tout enseignant du primaire, être du métier c'est alors, au moins dans les discours, se définir comme « le maître polyvalent » que ceux qui ont exercé le métier avant ont été. La rhétorique de la polyvalence fonctionne alors du point de vue des enseignants comme une forme d'auto-prescription individuelle et collective qui émane du milieu professionnel, elle lui est endogène, ce que Six (2002) qualifie de prescription remontante. Une prescription qui pourrait s'exprimer par une formule du type « être un enseignant polyvalent c'est ce que je dois être pour bien faire mon métier ».
La polyvalence des enseignants du primaire s'apparente donc à une rhétorique qui diffuse un ensemble de normes professionnelles et de prescriptions de différentes natures définissant le poste de travail des enseignants du primaire. « L'artefact symbolique » du maître polyvalent s'impose à tous. C'est en utilisant cet artefact que se pensent les enseignants du primaire, que leurs représentants construisent leurs discours. C'est aussi au moyen de cet artefact que l'on observe, que l'on pense, que l'on évalue le travail des enseignants de l'école primaire. C'est donc bien souvent à travers le prisme du travail prescrit que se construisent les discours sur le travail des enseignants de l'école primaire, et c'est bien souvent ce travail prescrit qui vaut pour connaissance du travail des enseignants de l'école primaire Or, comme l'écrit Schwartz (2004) travailler c'est pour un professionnel débattre avec les « normes antécédentes » c'est-à-dire, « les prescriptions, procédures, contraintes, relations d'autorité, de pouvoir, mais aussi les savoirs scientifiques, techniques, les règles juridiques, les expériences capitalisées, tout ce qui anticipe l'activité de travail à venir avant même que la personne ait commencé d'agir» (p.66). En conséquence le travail prescrit ne saurait être le travail réel. La polyvalence formelle ne saurait donc être à elle seule descriptive du travail des enseignants du premier degré.
2. La polyvalence au quotidien : la polyvalence réelle des enseignants du primaire
La polyvalence formelle est ce avec quoi doivent faire les enseignants du primaire dans le quotidien de leur travail. Mais comment font-ils avec ? Derrière le voile qu'imposent les discours souvent emphatiques sur la polyvalence, quelles réalités ? Autrement dit quelles sont les pratiques professionnelles des enseignants confrontés à l'expérience quotidienne de la polyvalence ? Fondés sur des pratiques professionnelles déclarées mais aussi sur des observations de classe et des entretiens d'auto-confrontation (Clot, 2008), les travaux de recherche menés par le GRPPE (3) pendant près de vingt ans permettent d'apporter des réponses à ces questions, de lever le voile sur le travail réel des enseignants du primaire et d'avancer quelques caractéristiques de la polyvalence réelle (Baillat, Espinoza, Vincent, 2001).
2.1 L'image du maître seul dans la classe
L'enseignant de l'école primaire est rarement un travailleur solitaire et les élèves ont rarement face à eux durant toute l'année scolaire un enseignant unique. C'est ce qui ressort de l'analyse des réponses de 1490 enseignants (4) de l'école primaire à un questionnaire portant sur leurs pratiques professionnelles en lien avec la polyvalence. Il ressort de cette enquête que l'image du « maître polyvalent », enseignant seul dans sa classe toutes les disciplines présentes à l'école primaire, doit être fortement nuancée.
En effet, la mise en œuvre de la polyvalence est différenciée selon que l'on enseigne au cycle 1, au cycle 2 ou au cycle 3 (tableau ci-dessous). On observe que le pourcentage d'enseignants déclarant enseigner seuls dans leur classe décroît au fur et à mesure de l'avancée dans les cycles.
Maternelle | Elémentaire | Total | ||||
Nombre | % | Nombre | % | Nombre | % | |
Maîtres déclarant
enseigner seuls
|
291 | 72.4 | 381 | 35.0 | 1272 | 45.1 |
Maîtres déclarant ne pas enseigner seuls |
111 | 27.6 | 707 | 65.0 | 218 | 54.9 |
Ainsi, au cycle trois, c'est une très forte proportion (73%) d'enseignants qui déclarent ne pas enseigner seuls dans leur classe. Autrement dit, c'est au cycle 1, quand les apprentissages ne sont pas structurés par les champs disciplinaires, que la mise en œuvre de la polyvalence est « la plus facile». Or, c'est à partir du cycle 3 que les apprentissages sont structurés par les disciplines scolaires. Il semble donc qu'un rapport complexe aux disciplines scolaires se construise déjà au cycle 2, et que la structuration des programmes d'enseignement par disciplines scolaires à partir du cycle 3, rende l'exercice de la polyvalence plus complexe.
Face à cette complexité les enseignants cherchent à réduire leur polyvalence. On peut probablement lire dans ces résultats, la question de la maîtrise difficile de l'ensemble des disciplines qui figurent au programme et aussi la lourdeur de cette tâche qui consisterait pour un maître à enseigner toutes les disciplines et éducations à... inscrites au programme. Au sein d'une école, lorsque c'est possible (5= , les enseignants procèdent à des échanges de services qui constituent une forme volontaire de réduction de la polyvalence. Ces échanges « constituent la raison majoritairement déclarée à l'école élémentaire pour justifier l'introduction d'autres intervenants dans la classe. Les écarts à la polyvalence formelle ne s'expliquent donc pas prioritairement par des décharges (c'est-à-dire par des raisons administratives), mais sont plutôt le résultat d'une volonté délibérée des enseignants» (Baillat, 2001, p. 34). Ces résultats peuvent également être interprétés comme l'adaptation pragmatique des discours institutionnels visant le développement du travail en partenariat et l'essor de nouvelles pratiques enseignantes de types collaboratif (Marcel et Piot, 2005).
Ces résultats conduisent à fortement remettre en cause l'image du maître seul dans sa classe et la structure cellulaire du travail enseignant (Tardif et Lessard, 1999).
2.2 Des rapports complexes aux disciplines scolaires à enseigner
Dans le cadre de l'exercice de la polyvalence, une autre forme de réduction de la polyvalence s'exprime dans le fait que des enseignants choisissent de ne pas enseigner toutes les matières, d'en déléguer l'enseignement à d'autres collègues ou à des intervenants extérieurs, traduit les rapports complexes de ces enseignants aux disciplines scolaires.
Ainsi si certaines disciplines sont délaissées d'autres sont au contraire toujours enseignées, c'est le cas notamment des mathématiques et du français. Par exemple, lorsqu'ils délèguent l'enseignement d'une discipline à un collègue ou à un intervenant extérieur, les enseignants du cycle 3 se réservent très majoritairement l'enseignement des mathématiques et du français (Baillat, 2003). De manière encore majoritaire, mais avec une hiérarchie de préférence, ils conservent l'histoire, la géographie puis les sciences de la vie et de la terre. La physique technologie est bien souvent déléguée, voire délaissée. Un abandon relatif, associé à une très forte propension à une délégation à des intervenants extérieurs, caractérisent les disciplines sportives et artistiques au sein desquelles l'éducation musicale constitue « le parent pauvre de l'enseignement » (Baillat et Mazaud, 2002, p. 95).
Pour chaque champ disciplinaire les textes officiels prescrivent des horaires à respecter. L'analyse des déclarations des enseignants montre que « les horaires officiels ne sont respectés de près que pour les mathématiques et le français. Les activités de « découverte du monde » se trouvent scindées en deux : d'une part l'histoire, la géographie et les sciences de la vie et de la terre sont sur-enseignées ; d'autre part, la physique-technologie est sous-enseignée. Dans le groupe des disciplines artistiques et sportives il n'existe qu'une discipline excédentaire : les arts visuels alors que la musique, et surtout l'EPS sont déficitaires » (Baillat, 2001, p. 45). Ces résultats témoignent d'une part, d'un engagement personnel très différencié des enseignants dans les différentes disciplines, et, d'autre part des statuts et valeurs différents qu'ils leur accordent.
Ces statuts différenciés peuvent également se lire dans les objectifs d'apprentissage que les enseignants attribuent à l'enseignement des différentes disciplines. Ainsi, lorsque les enseignants doivent hiérarchiser trois objectifs pour une même séance dans une discipline (Baillat, 2003) : un objectif conceptuel, un objectif transversal, et, un objectif de mémorisation de connaissances singulières ou l'entraînement à une technique propre à la discipline, on constate que ce troisième objectif, indépendamment du cycle et de la discipline est toujours classé au troisième rang. Les auteurs du rapport de recherche soulignent que « ce résultat massif se démarque de ceux obtenus dans d'autres études qui soulignaient encore récemment le caractère très factuel de certains enseignements à l'école élémentaire » (Baillat, 2003, p. 51). Le classement des deux premiers objectifs, varie selon les disciplines, mais « peu de disciplines bénéficient d'un enseignement à visée conceptuelle : les seules pour lesquelles l'objectif conceptuel est toujours dominant sont l'histoire, la géographie et les arts plastiques » (Ibid., p. 52). Le choix, souvent privilégié, des objectifs transversaux effectué par les enseignants est « confirmé par leur adhésion massive à l'affirmation selon laquelle l'objectif de l'enseignement primaire est en priorité de faire acquérir des compétences intellectuelles générales plutôt que d'initier l'élève à des disciplines » (Ibid., p. 52). De tels résultats interrogent fortement la professionnalité des enseignants du premier degré, celle-ci ne serait pas fortement organisée par la transmission-appropriation de savoirs scolaires disciplinaires, et l'entrée des élèves dans les disciplines scolaires.
L'exercice de la polyvalence tel qu'il est possible de le décrire à partir des pratiques déclarées des enseignants différencie fortement les disciplines présentes à l'école primaire à partir des disciplines qui constituent le « noyau dur » de l'activité professionnelle. Ce sont les matières qu'il n'est pas possible de ne pas enseigner, c'est le socle du genre professionnel (Clot, 2008), le « cœur » du métier, hérité de plus d'un siècle d'histoire du métier : les mathématiques et le français. A ce « cœur » est agrégée une périphérie : les autres disciplines. Cette périphérie se subdivise en deux sous-ensembles : les disciplines intermédiaires et les disciplines (l'usage du terme n'est pas toujours assuré dans ce dernier groupe) marginalisées, voire délaissées.
Les disciplines intermédiaires feraient l'objet d'une attention moins soutenue : les enseignants prendraient des libertés quant à la gestion des horaires, à la mise en oeuvre des programmes ; la vigilance par rapport aux contenus de savoirs à enseigner serait moins forte. On peut émettre l'hypothèse d'un sentiment de responsabilité vis à vis de l'enseignement de ces disciplines moins important que pour les précédentes. Des disciplines comme l'histoire, la géographie, les sciences seraient dans ce groupe.
Enfin, les disciplines marginalisées, délaissées sont celles pour lesquelles la propension à ne pas les enseigner ou à les confier à des intervenants extérieurs est la plus importante : les disciplines artistiques et l'éducation physique et sportive constitueraient ce dernier groupe.
Cette répartition des disciplines scolaires relève des déclarations des enseignants, elle comporte probablement aussi une part d'arbitraire inhérente à ce processus de catégorisation. Il est fort probable que d'un enseignant à l'autre, en fonction de divers facteurs, certaines disciplines fassent l'objet d'une valorisation particulière, c'est l'effet du style professionnel (Clot, 2008), mais en tout état de cause, ces partitions individuelles ne touchent pas le « coeur » du métier.
2.3 L'enseignant dans sa classe : que fait un enseignant quand il enseigne.... ?
Les travaux de recherches du GRPPE sur la polyvalence réelle se sont fondés dans un premier temps essentiellement sur les pratiques déclarées des enseignants. En cela ils s'inscrivent dans le contexte général des recherches sur les pratiques professionnelles des enseignants qui « ont peu porté sur l'étude empirique des pratiques d'enseignement elles-mêmes et tout particulièrement sur ce qui se passe effectivement dans la classe » (Lenoir, 2005, p. 6). Pour compléter ces premiers travaux et tenter de caractériser l'activité réelle des enseignants du primaire des enregistrements vidéoscopiques et des entretiens en auto-confrontation simple ont été réalisés avec onze enseignants du primaire volontaires (Philippot et Baillat, 2009).
L'un des résultats les plus marquants de ces analyses est la mise en évidence des rapports des enseignants aux savoirs issus de leur formation universitaire. A l'extrême ces savoirs font l'objet d'une mise à l'écart de la part d'enseignants qui les jugent trop théoriques, trop éloignés de ce qu'ils estiment devoir enseigner aux élèves tels qu'ils sont dans le quotidien de la classe. Quand ces savoirs sont utilisés ils sont l'objet d'une transformation pragmatique. Par exemple, une enseignante qui a suivi un cursus universitaire en histoire estime que ces connaissances en histoire l'on conduite à réaliser des séances trop magistrales et éloignées de ce que les élèves pouvaient comprendre du fait d'un vocabulaire de la discipline qualifié de « trop rébarbatif pour les enfants ». Aussi sur la base de son expérience elle réélabore une « histoire scolaire » plus adaptée à ses yeux aux capacités (supposées ou réelles) de ces élèves. Pour un autre enseignant, le sentiment d'avoir un « bon niveau » dans une discipline du fait d'avoir suivi une formation académique dans cette discipline jusqu'au niveau de la licence, peut entraîner de façon peut-être paradoxale, un travail de préparation et de réflexion moins important lorsqu'il s'agit de l'enseigner :
- « C'est ce que je disais. Je ne suis pas nécessairement plus performant que quelqu'un d'autre. Parce que je passe sans doute moins de temps sur cette matière là. Donc, je prépare moins, je réfléchis moins sur ma discipline parce que je la connais...Et puis parce que je vais m'en sortir » (Extrait entretien).
Au-delà de la confiance en soi, cet enseignant exprime une opinion que l'on peut considérer comme susceptible de nuire, d'une certaine façon, à la qualité de son travail. Pour lui, comme il a acquis des connaissances en histoire et en géographie, « il va s'en sortir ». On peut penser que pour ce jeune enseignant, comme probablement pour d'autres, la nature des savoirs qu'il a à enseigner en histoire ou en géographie, est très proche de ceux qu'il a acquis à l'université. De plus, la nécessité de préparer chaque jour des séances dans différentes disciplines, tenir la classe difficile, apparaissent comme des contraintes très fortes. Dans ces conditions, il mobilise peu les savoirs académiques en histoire et géographie pour réfléchir l'enseignement de ces disciplines. Le temps « gagné » sera utilisé pour préparer les séances dans les disciplines où il ne s'estime pas spécialiste. Ainsi, contrairement à une idée répandue la plus grande maîtrise d'une discipline par un enseignant du primaire peut avoir des effets paradoxaux : d'une côté un sentiment de sécurité générateur d'une plus grande disponibilité pour la gestion de classe, de l'autre une réflexion didactique moindre. (Philippot, 2008).
Ces transformations pragmatiques ne se limitent pas aux disciplines à enseigner, on repère, par exemple, des formes de transformations pragmatiques des concepts (Pastré, 2011) relatifs aux théories socio-constructivistes de l'apprentissage. Ainsi, « l'élève acteur de son apprentissage, la pédagogie active, la notion de socio-cognitif sont devenus de véritables doxa pédagogiques qui vont guider les choix des enseignants. (Baillat et Espinoza, 2009). Ainsi, lorsque les enseignants sont invités à évaluer l'efficacité de leur séance, la réponse est bien souvent :
- Chercheur: Quel jugement vous portez sur cette séance ?
- Enseignante : Moi sur ma séance, pour moi elle a fonctionné parce que les enfants se sont investis [...]. Quand je vois que les enfants s'intéressent à ce qu'ils font, ils sont partants pour continuer, c'est que ça a marché. Extrait entretien
C'est donc la participation des élèves, et leurs comportements apparents, plus que les savoirs à acquérir, qui constituent souvent les critères de la réussite ou non des séances, « le contenu réel de leur activité intellectuelle, parfois difficilement accessible, semble avoir moins d'importance que le fait de rester engagé dans une tâche » (Bautier et Goigoux, 2004, p. 96).
De tels résultats mettent en avant « l'orientation pragmatique de l'activité de l'enseignant » (Saujat, 2006, p.179). Ils conduisent à considérer que dans le cadre de la mise en oeuvre de la polyvalence dans le quotidien du travail, « une dialectique difficile semble alors se construire entre les « savoirs à enseigner », les « savoirs pour enseigner » acquis durant le parcours universitaire et les savoirs d'expérience, construits lors de l'exercice de la professionnalité. Ainsi, les représentations, les contraintes de l'exercice du métier vont jusqu'à redéfinir certains de ces savoirs, les réélaborer » (Baillat et Espinoza, 2009, p.173).
L'observation de séances de classes, l'analyse du travail de ces enseignants (Amigues, 2003 ; Goigoux, 2007) donne à voir une tout autre image que celle que tendrait à imposer la rhétorique de la polyvalence formelle. Ce que met à jour l'analyse du travail enseignant, c'est la polyvalence réelle, une adaptation pragmatique des enseignants pour faire face aux exigences de la polyvalence formelle. Ainsi, ces analyses donnent à voir des enseignants qui ne sont pas en « faute » ou qui ferait « mal » le travail, mais des enseignants qui construisent un ensemble de pratiques professionnelles qui font sens pour eux et qui leurs permettent de tenir jour après jour dans le métier, « se préserver n'est pas seulement une question d'agrément personnel, mais bien une affaire d'efficacité professionnelle : pouvoir enchaîner classe après classe, « tenir jusqu'en fin de journée et « durer» toute l'année » (Saujat, 2006, p. 181). Toutefois, cette adaptation au poste de travail n'est pas sans poser problèmes.
3. Problèmes et défis
Une nouvelle fois la Nation s'interroge sur son École, sur ses enseignants, une refondation de l'école est lancée depuis septembre 2013. Dans ce cadre, il peut être opportun de mettre en avant quelques problèmes et défis soulevés par la polyvalence réelle des enseignants du primaire. Le premier de ces problèmes concerne les enjeux de l'enseignement primaire et son projet d'acculturation disciplinaire des élèves. Un second problème concerne le poste de travail des enseignants du primaire, peut-on continuer à affirmer la « nécessaire polyvalence » du maître, peut-on maintenir la référence un maître une classe quand tout dans le quotidien du travail enseignant laisse à penser que ce poste de travail n'est plus tenable ? Enfin, il semble nécessaire de poser la question de la formation des enseignants du primaire.
3.1 Le projet d'acculturation disciplinaire des élèves mis en question
La forme scolaire qui se met en place à partir du XVIe siècle impose un nouveau mode de socialisation, la socialisation scolaire. Les approches anthropologiques et sociologiques sur la « forme scolaire » (Vincent, 1994) montrent que cette forme de socialisation repose en fait sur la construction progressive d'un rapport second au monde; c'est même ce qui en fait la spécificité, par contraste avec d'autres lieux et modes de socialisation. Par essence, l'école instaure donc un type nouveau de rapport au monde, un rapport réflexif et distancié, un rapport second, vis à vis de ce qui relève de l'expérience familière. Les disciplines scolaires (Chervel, 1988) sont alors les instruments qui doivent permettre aux élèves de construire ce rapport second au monde. Le projet d'acculturation disciplinaire des élèves est donc un des piliers de l'école primaire, en témoigne la rédaction des programmes d'enseignement. La réalisation d'un tel projet suppose, que les enseignants se soient suffisamment appropriés les « matrices disciplinaires » (Develay, 1992) des disciplines qu'ils enseignent. Or, par delà les spécificités disciplinaires, un constat identique se dégage des recherches menées (Baillat et Espinoza, 2009 ; Philippot, 2008) : les enseignants dans leur pratiques d'enseignement se heurtent au même obstacle, au regard de la construction de ce rapport second. Alors que cette dernière requiert une forte centration sur les savoirs, ces enseignants privilégient au contraire l'activité et la prise en charge des élèves. Alors que les rhétoriques de la polyvalence imposent l'image d'un enseignant qui favorise l'entrée de tous les élèves dans les savoirs disciplinaires, il semble que la perspective didactique ne soit pas centrale pour le « maître ordinaire ». Avec des nuances selon les champs disciplinaires, et entre les enseignants, force est de constater que la logique de la socialisation, de l'épanouissement de l'enfant, celle de la construction de savoir-faire et de savoir-être « transversaux » prendrait le pas sur la logique de la construction de savoirs disciplinaires. Les savoirs scolaires disciplinaires organisent peu les pratiques d'enseignement de ces enseignants de l'école primaire. Ils semblent même être à la marge de ces pratiques. Autant d'éléments qui posent la question de la place des disciplines scolaires à l'école primaire et qui interroge fortement le projet d'acculturation disciplinaire porté par l'école primaire. L'instruction des élèves est-elle encore une finalité pour l'école primaire du XXIe siècle ?
3.2 Vers une nécessaire évolution du poste de travail
Dans le quotidien du travail enseignant deux logiques génératrices de tensions, de conflits professionnels sont en présence. La logique prescriptive et normative incarnée par les rhétoriques de la polyvalence « ce que l'enseignant devrait être et faire » ; celle individuelle et pragmatique de l'enseignant dans sa classe, « ce qu'il fait, ce qu'il veut et peut faire ». La logique prescriptive, celle de la polyvalence formelle s'exprime entre autre par des référentiels très ambitieux et donne à voir l'image d'un maître polyvalent expert. Dans le même temps, les travaux de recherche (Baillat, 2001, 2003 ; Baillat et Espinoza, 2009 ; INRP, 2000 ; Philippot, 2008) ; mettent à jour les réalités de l'exercice professionnel qui ne correspondent pas à cette image. La polyvalence, apparaît alors comme un fardeau lourd à porter par des enseignants qui tentent jour après jour de travailler. Autant d'éléments qui conduisent à penser qu'il n'existe pas une vision partagée sur le métier d'enseignant à l'école primaire, sur sa polyvalence, entre les enseignants et l'Institution. Un malentendu semble donc installé entre d'une part, les attentes institutionnelles exprimées par la rhétorique du « maître idéal » (Philippot et Baillat, 2011), et, d'autre part les enseignants qui retraduisent ces attentes en un « agir possible ».
Le maintien de la polyvalence formelle, du travail prescrit qu'elle impose, est alors source des multiples tensions qui travaillent aujourd'hui le « métier » (Clot, 2007) d'enseignant à l'école primaire. Tensions, entre des prescriptions toujours plus nombreuses, changeantes, et pour certaines contradictoires auxquelles doit faire face un enseignant confronté à une « réalité » complexe : la classe, « les injonctions répétées de ces dernières années sont venues brouiller le sens du travail et presser les enseignants » (SNUipp-FSU, 2011). Tensions encore entre la socialisation, l'épanouissement de chaque enfant et la réussite de chaque élève dans un collectif. Tensions enfin, entre la structuration des apprentissages en champs disciplinaires, et les exigences de la polyvalence. De telles tensions peuvent conduire à des empêchements de l'activité de l'enseignant (Clot, 2008), voire à de la souffrance au travail.
Dans ces conditions et dans le contexte d'une réflexion sur le métier d'enseignant au XXIe siècle (Gonthier-Maurin, 2012 ; Pochard, 2008) actualisée par le projet de Refondation de l’École, il semble nécessaire d'envisager une évolution du poste de travail des enseignants de l'école primaire, et donc de rapprocher le métier idéalisé du métier réel. Dans cette perspective la prise en compte du métier réel conduit à penser la nécessaire réduction de la polyvalence portée par un maître unique. Des formes de dominantes d'enseignement pourraient être envisagées, le passage explicitement affirmé d'une polyvalence individuelle à une polyvalence d'équipe soutiendrait cette évolution. Cette évolution nécessaire du poste de travail suppose donc une réflexion de fond sur les missions et les compétences de l'enseignant du primaire, réflexion qui questionne les finalités que la Nation attribue à son école primaire et la reconnaissance qu'elle accorde à ses enseignants.
3.3 La question de la formation des enseignants
La question de la formation peut être posée à partir de l'exemple de l'interdisciplinarité. En effet, la polyvalence des enseignants du primaire est souvent présentée comme un poste de travail qui favoriserait « naturellement » la mise en relation des disciplines à enseigner. Elle permettrait de dépasser le cloisonnement disciplinaire, elle serait également un facilitateur de la mise en œuvre de la polyvalence, aussi l'interdisciplinarité ou tout du moins l'établissement de liens entre les disciplines à enseigner est largement promue par l'institution. Les enseignants adhèrent à ce discours, la possibilité d'établir des « ponts » entre les disciplines est un argument pour justifier de leur attachement à la polyvalence (Baillat, 2003). Pour autant dans le quotidien du travail la mise en œuvre de « l'interdisciplinarité » s'avère problématique (Philippot, 2013) d'autant plus que la formation les laisse assez démunis face à cette mise en œuvre. En effet, en référence à un maître capable d'enseigner toutes les disciplines on a vu alors se juxtaposer en formation les cours académiques, les didactiques des disciplines le tout en vue de doter les enseignants polyvalents d'un bagage de connaissances supposé leur permettre l'exercice du métier. A charge pour eux de créer les liens et de développer, une fois en poste, des pratiques interdisciplinaires. Par tradition, par commodité peut-être, mais aussi parce que nombre de formateurs en IUFM hier, dans les ESPE aujourd'hui, sont issus du second degré et donc porteurs d'une culture disciplinaire, les disciplines académiques ont imposé leurs cadres pour la conception des formations et la définition des contenus de ces dernières. Il n'est toutefois pas certain que cette entrée par les disciplines universitaires soit la plus pertinente pour former les enseignants aujourd'hui.
Au-delà de cette entrée par les disciplines universitaires, la polyvalence réelle des enseignants du primaire questionne plus généralement leur formation professionnelle. Des interrogations qui portent à la fois sur la conception de la formation, sur les contenus de la formation, sa durée et son organisation, etc. Comme d'autres domaines professionnels, la formation des enseignants de l'école primaire est conçue selon une logique descendante. C'est le métier idéalisé qui sert de référence. Ses traits caractéristiques sont alors déclinés dans un référentiel de compétences à partir duquel est pensée la formation. Des courants de recherche comme la didactique professionnelle, invitent à penser autrement la formation et à rapprocher travail et formation. Ils mettent en avant une logique ascendante pour la conception des formations professionnelles. Ce sont alors les situations de travail effectives qui servent de références pour les référentiels (Mayen, Métral et Tourmen, 2010). De telles perspectives pourraient être mobilisées pour penser la formation des enseignants, ce qui supposerait que l'Institution accepte de considérer le travail réel des enseignants du primaire, qu'elle le reconnaisse comme normal et non comme un ensemble d'insuffisances, de lacunes, qu'il conviendrait de corriger.
Conclusion
La distance est importante des rhétoriques à l'enseignant du primaire au travail. Cette distance exprime toute l'épaisseur de l'activité de ces professionnels, il y a toujours plus dans le réel du travail que dans le travail prescrit (Clot, 2008). L'enseignant au travail n'est donc pas l'enseignant idéal-typique que donne à voir l'artefact du « maître polyvalent ». A un moment où se redessinent les professionnalités enseignantes tant pour le premier que pour le second degré à travers l'élaboration de référentiels de compétences, les résultats de recherche présentés posent une question essentielle, celles des références sur lesquelles fonder les référentiels. Cette question prend une importance toute particulière dans le contexte actuel de mise en place des Ecoles Supérieures du Professorat et de l'Education : à quel métier former ? Doit-on continuer à penser la formation dans une logique descendante, à partir d'un métier abstrait et des traits du professionnel idéal, pour l'Institution, qu'il s'agirait de faire advenir ou prendre en compte le travail réel et partir des situations de travail effectives pour penser, dans une logique ascendante la formation des enseignants ?
1 Cet article survient au moment de la parution du rapport de l'Inspection Générale signé par Philippe Claus, intitulé : « Bilan de la mise en oeuvre des programmes issus de la réforme de l'école primaire de 2008. » si les constats établis dans ce rapport rejoignent très largement ceux que nous établissions depuis une quinzaine d'années sur les limites de la polyvalence à l'école primaire, l'objet de l'article et du rapport différent en ce sens que le première est effectivement centré sur les conséquences de ce constats en termes d'analyse du travail réel des enseignants,
2 Octave Gréard (1828-1904). Professeur-inspecteur général, recteur de l'académie de Paris.
3 Groupe de recherche sur les pratiques professionnelles des enseignants (IUFM de Champagne-Ardenne).
4 « Les répondants constituent un échantillon représentatif de la profession au plan national, tant en ce qui concerne leurs caractéristiques personnelles (âge, sexe, type de formation professionnelle) qu'en ce qui concerne les caractéristiques de leur poste de travail (maternelle/ élémentaire, localisation géographique de l'école). » (Baillat, 2001, p.28)
5 Les écoles composées d'une classe unique représentaient en 2013 environ 8% des écoles primaires (l'état de l'École n° 23 édition 2013).
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