Le chantierdes formations supérieures en 2013
Le chantier des formations supérieures en 2013
Par Michelle LAUTON, secrétaire nationale
Le CESE a rendu public un rapport sur la démocratisation de l’enseignement supérieur,
qui rejoint nombre des analyses du SNESUP. On ne peut envisager l’avenir de
l’enseignement supérieur en France sans revenir sur quelques questions de formation
abordées ces derniers mois.
Aujourd’hui, l’enseignement supérieur reste profondément inégalitaire pour les primo-entrants. La formation continue et la VAE y demeurent insuffisamment développées. Les principaux obstacles à la démocratisation restent les mauvaises conditions de vie et d’études des étudiants – et notamment le nombre de salariés – et le financement insuffisant des universités. La politique de pseudo excellence du gouvernement Sarkozy a refusé de considérer comme prioritaire la réussite du plus grand nombre et la réponse aux besoins de qualification.
L’enseignement supérieur doit permettre aux étudiants d’aller le plus loin possible dans leurs projets d’études, quelles que soient les catégories sociales ou les filières de baccalauréat dont ils sont issus. Pour cela, le SNESUP se prononce pour une rupture avec les politiques précédentes : proposer – y compris aux titulaires de baccalauréats technologiques et professionnels – une filière correspondant à leurs choix et à leurs formations antérieures et donc diversifier les parcours ; refuser les sélections (entrée en L1 ; entrée en master et au cours du master) ; rendre lisible l’offre de formation (licence, master) ; articuler formation et recherche dès l’entrée en premier cycle ; mettre en place de nouvelles méthodes pédagogiques (travail en petits groupes, TER…) ; reconnaître les qualifications acquises ; rassembler à terme toutes les formations du post-bac public ; assurer une répartition équilibrée des formations sur le territoire ; mettre en place des mesures d’aides aux étudiants (allocation d’études, logement, santé). Tout ceci nécessite évidemment des moyens. Si elles se confirmaient, certaines propositions entendues (Assises, ministre, rapport Le Déaut) sont inquiétantes : créer des licences à « spécialisation disciplinaire progressive » dont la 1ère année serait une sorte de super baccalauréat, donner priorité aux bacheliers technologiques et professionnels avec mentions en IUT et STS, sans construire des parcours de licence leur permettant de réussir… Lors de la réunion au MESR le 19 décembre, le traitement de ces questions a été renvoyé au Comité de suivi licence. Et la formation des étudiants en santé, qu’il faudra revoir profondément, continue d’être un immense gâchis.
Avec la mise en place des Grandes Universités regroupant universités fusionnées ou ex-Idex (et donc établissements publics et privés, de tutelles diverses), s’appuyant sur l’exemple des ESPE, le MESR voudrait substituerà la procédure d’habilitation une procédure d’accréditation, dont il n’a précisé ni le niveau, ni vraiment les modalités sauf l’existence d’un cahier des charges détaillé et un passage au CNESER. Pour justifier cette nouvelle procédure, le MESR argumente sur la nécessité d’une politique de site. L’accréditation permettrait à tous les établissements partenaires, et donc au privé, de délivrer le diplôme national de master, ce qui mettrait en cause sa valeur et qui consacrerait un abandon du monopole de la collation des grades et des diplômes. Malgré plusieurs interventions (dont celle du SNESUP) contestant cette procédure d’accréditation et demandant à conserver l’habilitation des formations, le MESR semble vouloir persister à mettre le cap sur l’accréditation. Cette idée est reprise dans le rapport Le Déaut, conjuguée à une réglementation nationale des diplômes et à une évaluation périodique.
Une autre question émerge fortement, tant la loi sur l’École que dans la préparation de celle sur l’ESR : développer la place du numérique. De nouveaux usages, mis en pratique par nombre de collègues du supérieur, concernent la mise à disposition de ressources pédagogiques (mise en ligne de leurs cours) ou le développement de séquences d’enseignement à distance. Cela correspond à des besoins (étudiants empêchés ou éloignés notamment). On manque cependant de travaux de recherche sur les conditions nouvelles d’apprentissage ainsi créées. Des écueils sont à éviter, l’accès à des documents papier ou fichiers pouvant amener l’étudiant déjà surchargé à ne pas venir aux cours. De même, l’accès immédiat à Internet modifie le rapport aux savoirs et la représentation des enseignants qu’ont les étudiants. Prendre en compte ces nouvelles conditions est nécessaire. On ne saurait en déduire que la présence de l’enseignant pendant des séquences n’est pas indispensable, car c’est un moment d’échanges et d’ajustements aux connaissances des étudiants ! Les « MOOC »(1), dont le rapporteur des Assises préconise le développement, ne devraient pas faire office d’outil de la rentabilisation de l’enseignement supérieur, dans le but de diminuer les coûts de personnel.
(1) Massive Open Online Courses