Le gouvernement socialiste acte la décentralisation de l'enseignement supérieur et de la recherche
Le gouvernement socialiste acte
la décentralisation de l’enseignement
supérieur et de la recherche
Par Heidi Charvin, membre du bureau national,
secteur Recherche
Bien que le gouvernement ait promis d’introduire plus de démocratie et de collégialité,
l’importance donnée à la régionalisation et l’attribution des moyens à la Grande
Université, tourne le dos aux engagements.
D’ici à la fin du deuxième semestre 2013, la nouvelle loi d’orientation de l’ESR devrait être promulguée. Les prémices du texte, dévoilés oralement avec un diaporama par le MESR aux organisations syndicales le 17 décembre dernier, sont loin des échanges des Assises et de l’audition de l’OPECST et enfin, des promesses orales faites par la ministre. Voici en substance ces propositions.
S’agissant du point central de la structure des établissements, la loi LRU ne serait pas abrogée mais très légèrement amendée. La volonté de garder l’ESR inscrite dans le processus de Bologne, énoncée par Jean- Marc Ayrault en discours d’ouverture des Assises, le laissait présager. La promesse d’introduction de plus de démocratie et de collégialité dans la gouvernance se résumerait en fait à un CA élargi pour les BIATSS et les étudiants (élection à 2 tours de 40 membres environ) et issu de listes paritaires en genre. Les personnalités extérieures participeraient à l’élection du président, mais devraient être choisies collégialement. Le CA ne traiterait plus que « la stratégie, le budget et le management de l’établissement(1) ». Un conseil académique, regroupant CS et CEVU, dirigé par un président et un vice-président étudiant élus, aurait un pouvoir élargi sur le recrutement et la recherche. Mais un conseil des composantes, issu des membres des conseils des écoles et instituts, serait créé pour « élaborer et mettre en oeuvre les décisions du CA ». Le SNESUP est intervenu pour refuser la participation à l’élection du président des personnalités extérieures, refuser toute création de conseil équivalente au sénat académique, demander la réaffirmation du rôle du CT, contester la nécessité d’un conseil de composantes et, l’absence de modification de la liste des grands domaines, qui maintiendrait les SHS dans un rôle subalterne au sein des structures décisionnelles.
La régionalisation rentrerait par la grande porte au travers de la décision de regrouper les établissements (fusion ou fédération ou confédération) d’ici à 2014 en une trentaine de Grandes Universités (GU) pluridisciplinaires, à l’instar de Strasbourg, Aix-Marseille ou Lorraine (les PRES seraient abrogés). Chaque GU aurait le statut d’EPCSCP et serait hiérarchiquement organisée avec, en son centre, les établissements qui deviendraient des composantes, puis les établissements intégrés (grandes écoles…) et enfin, les établissements rattachés (établissements privés…).
Cette structure reproduirait celle des établissements avec son CA élargi (mais comprenant 50% d’élus seulement) et son conseil académique. La fonction des GU serait de définir la politique de recherche et de formation régionale dans le cadre d’un contrat d’objectifs, de moyens et de répartition tripartite État-Région-Grande Université. L’entrée des régions répond à une revendication de ces dernières consécutive à un soutien financier croissant envers les établissements du supérieur, compensant le désengagement de l’État mais sans contrepartie. Chaque GU fonctionnerait sur le principe de droit commun et de subsidiarité. Inscrire un tel principe dans la loi demande de revenir sur les compétences élargies des établissements, ce que le SNESUP appelle bien évidemment de ses voeux ! Les moyens seraient donc attribués non plus aux établissements mais à la GU, élément-clef contre lequel nombre d’entre nous ont lutté lors de la constitution des PRES et Fondations. De même, si la politique de recherche et de formation est relativement non concurrentielle entre secteurs disciplinaires, qu’en serait-il dans le cadre de la fusion entre établissements pluridisciplinaires ? La GU devrait-elle arbitrer la répartition des sites de formation et de recherche ? Après accréditations/habilitations quinquennales des laboratoires et des formations ? Plus largement, quel équilibre de répartition géographique des sites ? Compte tenu de la disparité financière, géophysique et démographique entre régions, il serait extrêmement dangereux que le curseur de répartition soit au niveau régional. Le point central d’achoppement est le financement de l’ESR : le MESR n’entend pas reprendre la gestion de la masse salariale, le financement pérenne des laboratoires est réaugmenté d’un petit 73 M€ pour 2013, ne permettant pas l’embauche de fonctionnaires, le financement sur projet reste concentré sur un tout petit nombre de secteurs de recherche et aucune loi de programmation budgétaire n’est actée. Cette première mouture, bien que reconnue comme perfectible par les membres du cabinet ministériel, donne l’image de l ’« accouchement d’une souris », post- et pro- loi LRU, basée sur la régionalisation partielle de la gouvernance, sans réelle refonte salutaire de l’ESR. Quel gâchis !
(1) http://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/ article/2013/01/14/genevieve-fioraso-veutremodeler- l-offre-universitaire_ 1816537_1473692.html