Les études de genre au sein de l'Enseignement supérieur et de la Recherche en France au jourd'hui

Publié le : 19/02/2013

Les études de genre au sein de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France aujourd’hui

 

par Michèle Riot-Sarcey, professeur d’histoire, université Paris 8, coresponsable de la Fédération nationale sur le genre

Les études de genre ne sont pas réductibles à la nécessaire lutte en faveur de l’égalité. Au-delà, elles mettent à jour le dispositif hiérarchique de domination entre hommes et femmes et contribuent à mettre un terme au renouvellement constant des inégalités des sexes.

Le genre en France est désormais un champ d’étude universitaire, particulièrement en sciences humaines, mais effet de mode ou contournement des véritables questions, les usages courants ont tendance à limiter son domaine d’application aux études concernant la sexualité et la construction des corps sexués. Or le genre, différent du sexe, n’est pas, loin s’en faut, l’expression d’une orientation sexuelle, comme l’opinion, le plus souvent hostile à l’idée de différence, au regard des normes en vigueur, aime à le penser. 

Qu’est ce que le genre ? 

 

Le genre est d’abord un concept qui aide, à mettre au jour, en les questionnant, les relations de pouvoir entre hommes et femmes. Ces relations structurent l’organisation sociale autour d’un dispositif hiérarchique de domination à partir duquel se dessine le devenir des collectifs. Historiquement et dans la plupart des sociétés, les hommes ont en effet pris prétexte de la nature féminine pour interdire aux femmes les activités publiques en réduisant leur domaine à l’espace domestique. En 1804, encore, dans le Code civil qui servira de modèle à d’autres pays européens, les femmes sont mises sous la tutelle du père puis du mari. Ce n’est qu’en 1965 qu’elles peuvent choisir librement de travailler sans l’autorisation de l’époux. Réfléchir sur le passé des communautés humaines, comme sur le présent des relations entre hommes et femmes, à l’aide du concept de genre, éclaire considérablement leur devenir, mais les études de genre ne peuvent en aucune manière se réduire ou se limiter à la nécessaire lutte en faveur de l’égalité. Hélas, les instances gouvernementales ont trop souvent tendance à fondre dans un même ensemble les questions de visibilité des femmes, de leur accès à l’égalité dans l’espace public comme dans les postes de travail et le travail de recherche sur le genre. Le volet social, à travers les idées de parité, plus simple à aborder, est ainsi largement privilégié au détriment du travail épistémologique qui suppose une mise en cause des savoirs établis. Ouvrir le monde universitaire à ce nouveau domaine de réflexion implique en effet une mise en examen de toutes les disciplines, actuellement enseignées, à l’aide du concept de genre. L’enjeu est d’importance puisqu’il s’agit de contribuer à mettre un terme au renouvellement constant des inégalités des sexes quelles que soient les lois en vigueur. 

Bien reçu par les étudiants, le genre s’est imposé aux universités, lesquelles se sont résolues à ouvrir quelques options dans le cursus de licence et des masters genre. Il faut cependant savoir que le travail a été initié, le plus souvent, par des chercheuses militantes et féministes, qui ont adopté le concept par intérêt théorique et méthodologique en cherchant à briser les tabous scientifiques fondés sur des impensés et des présupposés trop rarement interrogés ; un questionnement qui s’est largement développé depuis les années 1970, dans la plupart des pays. Cependant, faute d’avoir préalablement incité les différentes disciplines académiques à débattre de sa pertinence épistémologique et malgré l’engouement récent dont il fait l’objet, nombre d’universitaires français négligent ou écartent délibérément l’apport du genre sous prétexte d’origine impure, c’est-à-dire non scientifique. 

Où en sont les études de genre en France ? (cf plus bas Equipes et Réseaux) 

 

Après avoir organisé les premiers cours et groupes de recherche sur la question, pour répondre à demande étudiante, Paris 8, Paris 7, Lyon 2 et Toulouse 2 ont été à l’origine de la Fédération nationale interuniversitaire de recherche sur le genre – Ring –, qu’ont rejoint depuis nombre de collectifs de recherche, à l’initiative de chercheurs isolés. Cette forme de pression sociale a été, semble-t-il, entendue par les différentes autorités institutionnelles, qui ont favorisé l’émergence de différentes structures : instituts, fédérations ou réseaux, Groupes d’intérêt scientifique du CNRS (GIS). 

Il faudrait ajouter à cela nombre d’unités d’enseignement et des recherches menées dans la plupart des grandes universités françaises. Ceci explique que la difficulté actuelle soit double. L’éclatement des travaux sur des thèmes multiples, dont la diversité fait la richesse, suppose une familiarité avec l’interdisciplinarité voire la transdisciplinarité, laquelle a du mal à s’imposer en France. En effet, la réflexion sur les dominations, le pouvoir, les rapports sociaux de sexes, souvent menée parallèlement aux études consacrées aux effets du colonialisme, aux sexualités, à la construction des corps, doit se concilier et se confronter avec l’apport des études relatives au symbolique, au langage, à la traduction, aux transferts culturels, à la représentation de soi et de l’autre. Le tout constitue un ensemble novateur qui hélas ne bénéficie ni de la légitimité ni de la visibilité institutionnelle dont elle aurait besoin. 

À cette forme d’isolement que ressentent les chercheurs, souvent mal entendus par des responsables d’équipes qui abritent leurs travaux, s’ajoute l’éparpillement des structures locales, nationales ; les unes liées aux régions, les autres aux CNRS, ou à l’université ; structures auxquelles s’ajoute la constellation. C’est pourquoi, dans le rapport élaboré gratuitement par quelques-unes d’entre nous, à la demande du ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, et présenté lundi 28 janvier, disponible sur le site de La Vie Publique (ex La documentation française : https://www.vie-publique.fr/), nous avons insisté sur ces questions cruciales pour le devenir de la recherche sur le genre. Nous espérons que nos propositions seront entendues et rapidement mises en oeuvre, en particulier par l’organisation d’un Collegium susceptible de regrouper l’ensemble des structures existantes, la recherche et l’enseignement, à tous niveaux, y compris la formation continue et de permettre collaboration, échanges et confrontation avec nos homologues du monde entier.

 

Equipes

 

• Axe transversal Paris 1 : Axe de recherche interdisciplinaire qui rassemble des enseignant-e-s et/ou chercheur-e-s sur le genre. 

• Centre d’enseignement, de documentation et de recherches pour les études féministes (CEDREF) de Paris 7 : groupe de recherche sur le genre au sein de l’UFR sciences sociales. 

• Centre d’études féminines et de genre (Paris 8) : composante spécifique rattachée à l’UFR «Histoire, Littératures, Sociologie, Genre ». 

• Équipe « Genre, travail et mobilité » (GTM) du Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (CRESSPPA : UMR CNRS-Paris 8). 

• Programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE) à l’IEP-Paris. 

• Réseau Flora Tristan : réseau interdisciplinaire qui réunit des enseignant-e-s et/ou chercheur-e-s sur le genre des établissements du PRES Sorbonne Paris Cité. 

• Unité Démographie, genre et sociétés (INED) : unité de recherche sur les inégalités entre les sexes, les violences et les discriminations. 

• Équipe Genre et société: Équipe de recherche d’historien-ne-s du genre rattachée au Laboratoire de recherches historiques Rhône- Alpes (LARHRA : UMR CNRS-Lyon 2-Lyon 3-ENS Lyon-Grenoble 2). 

• Équipe Simone-Sagesse : Groupe de recherche pluridisciplinaire sur le genre du Centre d’étude et de recherche Travail, Organisation, Pouvoir (CERTOP : UMR CNRS-Toulouse 2-Toulouse 3). 

• Arpège: Réseau « Genre, société et politique d’égalité » de la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société de Toulouse qui rassemble des enseignant-e-s et/ou chercheur-e-s sur le genre.

Réseaux Institutionnels

 
- Institut Émilie du Châtelet : Fédération de recherche de la Région Ile-de-France qui réunit plusieurs établissements de l’ESR pour promouvoir les recherches sur les femmes, le sexe et le genre. 
- Institut du genre : GIS du CNRS qui réunit 35 universités, institutions et écoles pour soutenir et coordonner les recherches sur le genre. 
- Réseau thématique prioritaire études genre : réseau du CNRS sur l’interdisciplinarité (SHS, biologie, écologie...) des recherches sur le genre. 
- MAGE (« Marché du travail et genre ») : réseau de recherche international et pluridisciplinaire consacré à la diffusion du genre dans les recherches sur le travail. 
- Fédération RING : Réseau interuniversitaire et interdisciplinaire qui agit pour la transmission des savoirs et la coordination de la recherche et des enseignements sur le genre.
 

Axes "Genre" dans les laboratoires

 
Axe « Masculin/Féminin » de l’UMR LIRE (Littérature, idéologies, représentations, XVIIIe-XIXe siècles) qui existe à Lyon depuis 1995 ; Axe « Genre » du Laboratoire ICT (Identités, cultures, territoires, Université Paris-Diderot) qui existe depuis 1995 ; Axe Inégalités, genre, violence de l’IRIS (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux, UMR CNRS, EHESS, Paris 13) ; Axe Genre et identités européennes de l’IRICE (Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe)/Paris 1.
 

Réseaux Associatifs

 
ANEF : Association nationale des études féministes. http://www.centrehubertine- auclert.fr/organisme/anefassociation- nationale-des-etudesfeministes. 
EfiGiES : Association de jeunes chercheur-e-s en études féministes, sur le genre et les sexualités. 
Mnémosyne : Association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre. 
SIEFAR : Société internationale pour l’étude des femmes de l’Ancien Régime.