Lettre Flash n°28 : formation des enseignants, IDEFI, CNU... : pas de trève
Lettre Flash n°28 à télécharger ( 419.34 kb)
FORMATION DES ENSEIGNANTS, IDEFI, CNU... : PAS DE TREVE
Cahier des charges de la formation des enseignants : la fuite en avant
Alors que de multiples rapports (Comité de Suivi Master, Cour des Comptes) dénoncent les conséquences négatives de sa réforme tant pour les nouveaux enseignants que pour les élèves, le gouvernement choisit la fuite en avant. Il poursuit sciemment sa réforme de la formation des enseignants dont le SNESUP demande le retrait.
A la veille d'échéances électorales déterminantes, le gouvernement avance au pas de charge. Il présente au CNESER du 19 mars, sans aucune concertation, un nouveau cahier des charges de la formation des enseignants profondément remanié. Le gouvernement avait l'obligation de fournir un tel document, figurant dans l'article L 625-1 du Code de l'Éducation, suite à l'arrêt du Conseil d'État du 28 novembre 2011 sur saisine du SNESUP. La tentative du gouvernement de supprimer l'exigence du cahier des charges -en faisant déposer un projet de loi par le député Grosperrin- a été mise en échec par le Sénat qui a refusé de le mettre à son ordre du jour.
Dans ses grandes lignes, le texte soumis au CNESER reprend la logique de la réforme gouvernementale, en s'appuyant en grande partie sur le contenu des notes et circulaires écrites depuis 2009. Il renvoie à l'échelon local (conventions recteur-universités) la responsabilité de la cohérence de la formation professionnelle des enseignants sur l'ensemble du territoire.
Le gouvernement confirme sa volonté d'utiliser les étudiants comme des moyens d'enseignement (conception des stages, masters dits « en alternance » ou en apprentissage). Le texte ne revient pas sur l'actuelle place du concours, en proposant prioritairement des stages « en responsabilité » aux admissibles. L'encadrement des stagiaires de master ne prévoit pas explicitement la participation des équipes pédagogiques des masters. Il n'est pas précisé si le volume de formation de l'année de fonctionnaire stagiaire (1/3 maximum du service) est pris dans le temps de service ou en plus. Le gouvernement développe une conception utilitariste de la recherche en Éducation au détriment de toute autre recherche. Enfin, si le terme IUFM apparaît de manière anecdotique (deux fois dans tout le texte), le texte exclut l'usage du terme université, y substituant la formulation « établissement d'enseignement supérieur » du projet de loi Grosperrin, ce qui ouvre au privé.
Le SNESUP récuse ce nouvel acte de dérèglementation et demande l'abandon de ce cahier des charges. Il exige une tout autre réforme de la formation universitaire des enseignants :
- articulant la dimension professionnelle et disciplinaire, réellement liées à la recherche,
- s'appuyant sur un référentiel national,
- assurant une répartition équilibrée des formations sur l'ensemble du territoire,
- permettant la démocratisation de l'accès aux métiers d'enseignant.
Criminologie : l'oukaze...
Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a décidé, par deux arrêtés publiés le 15 mars au Journal Officiel, de créer ex-nihilo la section 75 de "criminologie" du Conseil National des Universités (CNU).
Cet oukase gouvernemental a été pris en dépit d'une très large opposition des communautés scientifiques concernées en s'appuyant sur une pseudo-consultation publique dont les résultats n'ont cependant jamais été publiés. Cette décision impacte la composition et le fonctionnement de quinze sections du CNU sans que cette instance n'ait été consultée de quelque façon. Ce manque de concertation et l'aspect politique plutôt que scientifique de cette démarche qui répond à la soif de reconnaissance d'un petit groupe de personnes proches du pouvoir en place et au cœur de sa vision sécuritaire, ont été vivement dénoncés par la CP-CNU.
Le plus grand flou règne quant au contour disciplinaire exact de cette section et les conditions concrètes de sa création. Le choix du calendrier imposant que cette section soit exclusivement composée de nommés renforce le caractère autoritaire de cette décision. L'effet délétère de cette dernière mesure sur la pluralité souhaitable serait lourd de conséquences sur les futurs recrutements dans cette section.
La concertation la plus grande avec le monde scientifique et ses organisations représentatives doit prévaloir dans toute évolution des instances structurant la recherche française. Le SNESUP s'élève avec force contre le coup de force du ministère, il demande que soient abrogés ces deux arrêtés.
IDEFI : insuffisants et toujours plus opaques
37 IDEFI, c'est le nombre de dossiers retenus par le jury et dévoilés ce jour. Au-delà de l'insuffisance manifeste des moyens alloués au volet formation des processus dits d'excellence et de la portion congrue qu'ils représentent face aux montants affichés pour la recherche (149 millions d'euros contre 1 milliard consacré aux LABEX et une enveloppe globale des investissements d'avenir de 22 milliards), la liste de ces projets acte un nouveau creusement du fossé entre labellisés et exclus. D'autant qu'ils ne touchent qu'une quantité extrêmement limité d'étudiants (0, 2 %). Le processus de désignation des IDEFI n'a rien à envier à l'opacité entretenue dans la sélection des IDEX et aux tractations qui ont suivi.
Contrairement à ce qu'affirme Laurent Wauquiez dans la presse, il ne faut pas attendre de ces projets qu'ils permettent de « rattraper [le] retard en matière de pédagogie ». Constitués dans l'urgence et en grande partie déjà inclus dans les projets d'IDEX, les dossiers n'ont pas pu bénéficier de la réflexion approfondie et collective nécessaire à de réelles innovations, d'autant que la profonde déstructuration du tissu universitaire et le manque de ressources ont fragilisé des dispositifs conçus de longue date par des collègues pour favoriser la réussite de leurs étudiants.
La forte présence de projets liés à l'utilisation des nouvelles technologies et à l'enseignement à distance laisse craindre de nouveaux moyens de substitution aux enseignements en présentiel. La forte proportion de dossiers sélectionnés portés par des écoles d'ingénieurs illustre une volonté de les considérer comme un modèle de référence en termes de formation, alors que le lien avec la recherche y est encore globalement insuffisant et que ces formations sélectionnent drastiquement leurs étudiants tout en pratiquant des droits d'inscription souvent prohibitifs. En outre, de larges territoires sont exclus de ces initiatives et des établissements privés ou consulaires font partie des lauréats (pour près de 10 % des fonds alloués à l'ensemble des projets retenus).
Le SNESUP dénonce le développement des financements sur appels à projets, les procédures de sélection opaques qui les accompagnent. Le SNESUP demande de réaffecter à la MIRES l'ensemble des ressources extra-budgétaires. Il exige que de véritables mesures permettant d'améliorer la pédagogie pour tous les étudiants, de prendre en compte la diversité des publics, d'accueillir les étudiants handicapés et de faire réussir les étudiants, soient mises en place.