Lettre Flash n°39 : Programme d’Investissements d’Avenir 2 IDEX et ISITE ne nous mèneront pas en bateau !

Publié le 11 juillet 2014

  

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 Programme d'Investissements d'Avenir 2 IDEX et ISITE ne nous mèneront pas en bateau !

Le 1er juillet a été publiée au Journal Officiel la convention signée entre l'état et l'agence nationale de la recherche (ANR) pour la mise en œuvre du second Programme d'Investissements d'Avenir (PIA 2).

La continuité de PIA1, couplée aux regroupements

Loin de « remettre à plat les IDEX » comme s'y était engagée G. Fioraso en juin 2012, le prochain appel à projets en gonfle au contraire de nouveaux, y ajoute les I-SITE (initiatives science - innovation - territoires - économie) et amplifie l'importance accordée aux « retombées économiques » des projets.
Rédigée dans le plus pur jargon managérial cher à nos « décideurs »1, cette convention « de?finit le cadre et fixe le cahier des charges » de l'appel à projets PIA2, dont le lancement est prévu à l'automne.
Alors qu'aucun bilan n'a été fait de l'inflation des appels à projets précédents (Labex, Equipex, Idex...), la continuité avec le PIA1 est totalement assumée, ainsi que son rôle dans la restructuration du paysage de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche : « Le PIA2 vise d'abord à poursuivre l'effort engagé par le PIA1 en favorisant l'émergence de nouveaux pôles pluridisciplinaires d'excellence d'enseignement supérieur et de recherche de rang mondial sur le territoire français, les IDEX, « initiatives d'excellence », qui seront organisées sous la forme de groupements territorialement cohérents d'établissements d'enseignement supérieur, universités et écoles, et d'organismes de recherche, en partenariat avec des entreprises. »
Le message est clair : seuls les regroupements pourront bénéficier de la manne, constituée des intérêts générés par le placement des 3,1 Mds € attribués à ce PIA2.

Concentration des moyens sur « l'excellence »

Comme pour PIA1, ce financement permettra surtout d'amorcer la pompe destinée à siphonner les financements récurrents des établissements, pour les diriger préférentiellement vers le « périmètre des actions d'excellence » au détriment des autres activités de recherche et de formation : « Les financements apportés au titre du programme d'investissements d'avenir devront faire l'objet d'un engagement du porteur quant à leur concentration sur les actions d'excellence. Ils s'ajouteront aux moyens mobilisés par les acteurs concernés, ce qui fera l'objet d'un engagement du porteur selon des modalités définies dans les appels à projets. »
De plus, PIA2 conforte une logique « il pleut toujours là où c'est mouillé »: « D'une façon générale, l'évaluation des projets IDEX et I-SITE prendra en compte les résultats des appels à projets d'autres actions des investissements d'avenir s'inscrivant sur le ou les sites. Pourront notamment s'inscrire dans ce cadre des sites porteurs de projets lauréats du PIA1 de type (...) LABEX (...) EQUIPEX ».

Pilotage par les intérêts économiques

La volonté de piloter étroitement l'enseignement supérieur et la recherche dans une logique de rentabilité immédiate, déjà présente dans PIA1 et commune aux deux appels à projets, est fortement affirmée dans les critères d'évaluation :
« - potentiel et réalisations en matière d'innovations et capacité à développer des dynamiques d'innovation, dans l'ensemble de leurs domaines d'activité ; »
« - intensité de leurs partenariats avec le monde économique comme avec le monde social et culturel ; »
Il est également précisé que "La ou les évaluations (...) devront fournir une estimation de la rentabilité économique et financière de l'action, y compris des externalités socioéconomiques."

Un système à deux vitesses

Enfin, et c'est la nouveauté la plus inquiétante, les projets IDEX et I-SITE de PIA2 définissent un système à deux vitesses, pudiquement qualifié de « diversification raisonnée et vocation différenciée des différents sites » :
Pour « une dizaine de grandes universités de recherche, comparables aux meilleures universités du monde »2 (y compris celles déjà lauréates ) les IDEX seront la reconnaissance de leur « impact scientifique de tout premier plan dans de larges champs de connaissance », du « rayonnement de leur recherche »,de « l'attractivité de leurs formations », de « la notoriété de leur corps académique et la qualité de leur gouvernance. »
Les regroupements « de taille régionale » présentant « quelques thématiques d'excellence », pourront, eux, candidater à l'appel à projets I-SITE, qui mesurera « l'ambition de transformation » et « la capacité d'innovation » et « à développer des partenariats forts avec le monde économique », se traduisant en « actions innovantes de recherche partenariale et de formation professionnelle ».

Le SNESUP-FSU dénonce cette vision étroitement utilitariste et concurrentielle de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui, couplée aux regroupements3 imposés d'établissements et d'organismes, dessine un service public à deux vitesses, contraire à un maillage territorial équilibré.

1 Le terme « excellence » apparaît 72 fois, « innovation » ou « innovant » 31 fois ; « indicateur(s) », 23 fois, « économique »,  20 fois « gouvernance » 14 fois ; en revanche, jamais il n'est fait mention de « recherche fondamentale » ni « d'esprit critique » !

2 Le rapport "Quelle France dans dix ans ? Les chantiers de la décennie", dirigé par Jean Pisani-Ferry, publié le 25 juin 2014, prévoit l'émergence d'une "dizaine de grandes universités pluridisciplinaires de classe mondiale"

3 Le SNESUP-FSU demande un moratoire et une réécriture de la loi ESR sur ce point.