Lettre Flash n°6 : La sélection à l'Université pour « faire avec » la pénurie de moyens ?...

Publié le : 09/10/2014

 

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La sélection à l'Université pour « faire avec » la pénurie de moyens ?...

D'abord en août avec la sélection à l'entrée du Master 2, puis le 28 septembre (Dépêche AEF n°487572) en affichant sa volonté de « limiter l'accès de droit » en licence, la CPU cherche à instaurer un verrou de sélection des étudiants à l'entrée à l'Université.

Pour justifier son projet, elle met en regard le manque de moyens des universités, générateur de dégradation des conditions d'accueil des étudiants en cette rentrée 2014 (tirage au sort, en STAPS notamment, étudiants plus nombreux en groupes de TD et de TP, diminution des heures voire fermeture de formations...) (1) et l'accroissement du flux et de la diversité des étudiants.

Le passage d'une logique d'habilitation à une logique d'accréditation oblige chaque université à faire la démonstration de ses moyens pour faire accréditer ses formations. Dans le contexte d'austérité de la rentrée et avec l'obligation de tenir les objectifs de réussite fixés par le MESR tout en diversifiant les types de publics accueillis, voilà bien une gageure... La CPU se propose de relever ce défi par la sélection !

Relancer la démocratisation dans l'enseignement supérieur, que ce soit en licence, en master ou en doctorat, est une nécessité absolue pour préparer le pays aux défis de demain. Cela nécessite certainement l'implication de tous, mais surtout des moyens humains et financiers à la hauteur. D'après une étude du CEREQ (2), les jeunes sortis de l'enseignement supérieur en 2010, n'échappent pas à la dégradation de la conjoncture, mais les non-diplômés demeurent les plus exposés ; en outre, la France est en retard pour le nombre de diplômés d'une classe d'âge : l'élévation du niveau de qualification pour tous est donc une nécessité et l'augmentation du nombre de doctorants passe forcément par celle du nombre d'étudiants en licence.

Les universités créées dans les années 90 par le plan « Universités 2000 », ont permis d'irriguer le territoire national par la recherche et l'enseignement supérieur. Dimensionnées pour l'échelon régional (Artois, Saint-Quentin en Yvelines, Valenciennes...), pluridisciplinaires et souvent qualifiées « de proximité », elles ont vite vu leur capacité d'accueil dépassée (par exemple, l'Université de Marne La Vallée dimensionnée pour 8 000 étudiants en accueille 11 000 actuellement avec 199 postes gelés). Dépassées par leur succès et soumises aux Responsabilités et Compétences Elargies, de nombreuses universités peinent désormais à accueillir plus d'étudiants et la mise en place d'une sélection en L1 se fait désormais plus tentante pour la CPU. Filtrer les étudiants pour dépenser un minimum tout en affichant un taux de réussite plus élevé n'est certainement pas la vision que porte le SNESUP-FSU pour l'université du XXIème siècle. Des solutions existent pour faire réussir le plus grand nombre, y compris les publics les plus fragiles : modalités pédagogiques différenciées (par exemple démarches de projet), construction de parcours s'appuyant sur leurs acquis (comme un étalement sur 4 ans... en évitant les écueils d'une année de propédeutique), ou de dispositifs adaptés aux prérequis techniques que maîtrisent les bacheliers technologiques et professionnels. Le diplôme obtenu au final doit être bien sûr d'égales dignité et valeur pour tous et ce quel que soit le parcours suivi, tant en termes de temps que de progression pédagogique.

L'augmentation du taux de réussite au baccalauréat (+ 1, 1 point en moyenne par rapport à 2013, dont + 4,1 et + 3,4 pour les séries technologiques et professionnelles respectivement) conduit de plus en plus de jeunes, quel que soit leur parcours antérieur en lycée, à souhaiter poursuivre des études supérieures à l'université, tant en licence générale que dans les IUT. La majorité des étudiants d'aujourd'hui - même s'il existe une variabilité selon les spécialités et les métiers visés - aspire à obtenir ainsi au moins une licence, qu'elle soit générale ou professionnelle.

Accueillir plus d'étudiants, qu'ils soient supposés plus fragiles ou plus à l'aise, dans les conditions permettant leur réussite à l'université nécessite des moyens humains et financiers qui vont au-delà des vœux incantatoires de pédagogie innovante, du mirage du tout numérique, ou de l'expédient, maintes fois tenté, d'une année de propédeutique, masquant mal l'intention de mettre en place, à l'instar du projet Devaquet de 1986, un filtre sélectif ne permettant pas aux jeunes de milieux les plus défavorisés d'accéder à l'enseignement supérieur. Le SNESUP-FSU est porteur d'une tout autre politique émancipatrice et de démocratisation pour la jeunesse.


1. voir l'enquête auprès des responsables de sections SNESUP-FSU /Presse-et-documentation?aid=7113&ptid=5&cid=240
2. http://www.cereq.fr/index.php/publications/Bref/Sortants-du-superieur-la-hausse-du-niveau-de-formation-n-empeche-pas-celle-du-chomage.