Reconstruire la recherche publique

Publié le 21 janvier 2013

Reconstruire la recherche publique

par Marc Neveu, secrétaire national, secteur Recherche

À l’empilement de structures non démocratiques doit se substituer des coordinations souples autorisant le travail coopératif. Une programmation budgétaire doit permettre d’en finir avec la politique de projets de l’ANR qui a conduit à l’explosion de la précarité.

La première journée de concertation du 19 décembre 2012, relative à la future loi d’orientation de l’ESR a laissé beaucoup d’incertitudes sur l’aspect recherche. Un « agenda de la recherche» établi par le Parlement, déterminerait la programmation de la recherche mise en oeuvre par l’ANR ; l’élaboration de cet agenda s’appuierait sur les EPST, le monde économique, les collectivités territoriales. Le pilotage reviendrait à une nouvelle instance présidée par le Premier ministre associant les ministères, des personnalités, les établissements, le monde socio-économique. Le CSRT(1) disparaîtrait et ses missions seraient confiées au CNESER. Grandes absentes de ce projet, la programmation budgétaire et la résorption de l’emploi précaire. 

Que recouvre « l’agenda de la recherche » ? 


La finalité première de la recherche est le progrès des connaissances, sans objectif de retombées a priori, impliquant la plus grande liberté scientifique, sur du temps long, indépendamment d’impératifs politiques. Cela ne signifie pas que la recherche soit déconnectée de la société, mais que la représentation nationale doit fixer la part consacrée au progrès des connaissances et celle accordée aux différents champs finalisés économiques ou sociétaux à l’issue d’un processus transparent associant la communauté scientifique. Élaborer une vision prospective et une stratégie nationales cohérentes de la recherche ne peut se faire sans la participation des universités et des organismes nationaux d’une part et d’instances composées majoritairement d’élus (CNESER, Comité National, CNU) d’autre part. L’agenda répondra-t-il à ces objectifs ?

 Une organisation permettant des coopérations sur tout le territoire ? 


La politique récente empilant PRES, Opération Campus puis Idex(2) visait à structurer l’ESR en pôles d’excellence à côté de collèges universitaires subsistant péniblement. Coûteux et opaque, cet empilement de structures antidémocratiques, non collégiales,scientifiquement non probantes a créé partout un climat de compétition et de méfiance. Une coordination territoriale par le biais de réseaux de coopération pour l’ESR doit se construire pour favoriser le maillage territorial, la cohérence nationale appuyée sur les laboratoires (Unités de Recherche) et les coopérations. Les moyens seront-ils enfin donnés au CNESER pour que « R » ne reste pas symbolique ? 
Les partenariats organismes-universités doivent s’organiser autour de projets scientifiques partagés, avec des structures communes (les UMR), sans numerus clausus conduisant à marginaliser nombre d’équipes prometteuses. L’élaboration de programmes transversaux et pluridisciplinaires doit associer les organismes et les universités volontaires autour de structures de coordination souples et légères (GdR, GIS…) favorisant coopération, approches pluridisciplinaires, décloisonnement et émergence de jeunes équipes, au lieu des « Alliances », structures antidémocratiques pilotées par le ministère. 

« Faire confiance aux chercheurs et enseignants-chercheurs » 


Ce message a été rappelé plusieurs fois lors de la rencontre à l’OPECST(3). Cela suppose que les laboratoires, structures de base de la recherche, puissent financer leurs programmes par des financements de base suffisants, au contraire de la politique de projets de l’ANR qui a produit une bureaucratie étouffante et une explosion de la précarité dans l'ESR. Transmettre les connaissances élaborées dans nos laboratoires est une de nos missions dès la licence, impliquant un lien renforcé entre formations et recherche sur l'ensemble du territoire. Depuis quelques années, les EC ont vu
leurs tâches s'alourdir faute des créations d'emplois nécessaires : alléger les services d'enseignement, notamment pendant les premières années de carrière des maîtres de conférence, augmenter le nombre de CRCT et de délégations dans les EPST, assurer des conditions de recherche décentes sont des impératifs que nous ne cessons de rappeler. Quelle programmation budgétaire nous permettra enfin d'assurer nos missions correctement ? 

(1) Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie
(2) Comme le souligne le C3N, « Les IDEX doivent disparaître et d'autres manières d'élaborer les politiques de site et de les mettre en cohérence au plan national doivent être mises en place. »
(3) Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, rencontre du 4 décembre 2012.

Calendrier

Concertation :

Janvier 2013 Réunions pleinières MESR/organisations syndicales 
Rencontres bilatérales MESR/organisation syndicale 
Réunion exceptionnelle CNESER-CSRT 

Procédures parlementaires : 

Janvier 2013 : Rapport de l’OPECST Le Déaut 
Mars 2013 : Présentation de la loi au Conseil des Ministres 
Printemps : Discussion parlementaire 
Fin juin 2013 : Promulgation de la loi d’orientation de l’ESR