Université : rien de nouveau - Lettre ouverte à V. Pécresse

Publié le : 08/07/2009


 

Université : rien de nouveau - Le Monde du 8 juillet 2009

  • par Stéphane Tassel secrétaire général du SNESUP-FSU


La ministre doit tirer les leçons du mouvement


Mme Pécresse, avant d'être confirmée dans vos fonctions de ministre, vous avez affirmé votre volonté de ne pas être " condamnée à l'immobilisme ", mais de quels moyens disposez-vous pour aborder la rentrée ?


Il ne suffit pas de récrire les événements pour effacer quatre mois d'un mouvement historique ayant touché la totalité des universités, et non quarante-huit, comme vous semblez l'affirmer.


Malaise, rumeurs sont autant de termes que vous employez pour nier la réalité d'un mouvement porté par l'ensemble de la communauté universitaire. A plusieurs reprises, plus de 100 000 personnes ont battu le pavé pour s'opposer au projet gouvernemental de démanteler le service public d'enseignement supérieur et de recherche, et pour des revendications concrètes sur le recrutement et le statut des universitaires, la formation et le recrutement des enseignants, les moyens et les emplois pour le service public, le développement en coopération de la recherche universitaire et des grands organismes. Votre ministère n'a engagé aucune discussion avec les syndicats sur la refonte du décret organique du CNRS.


Les décrets sur le recrutement et le statut des enseignants-chercheurs n'ont fait l'objet d'aucune négociation sur le fond. Se réfugier derrière des " maladresses " d'écriture cache mal la volonté de remettre en cause les libertés scientifiques des enseignants-chercheurs et d'ouvrir la voie de l'autoritarisme et du localisme. En refusant d'entendre les arguments des organisations syndicales et des institutions universitaires, vous renoncez en fait à atteindre l'objectif annoncé d'élévation des qualifications des enseignants.


Depuis deux ans, les atteintes au service public se sont accélérées avec la mise en oeuvre de la loi LRU, introduisant la " modulation des services " dans les statuts des enseignants-chercheurs, le processus de démantèlement des organismes de recherche, leur pilotage au travers de financement sur projet, le contrôle technocratique de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, la modification de la formation et du recrutement des enseignants.


Le budget de 2009 a créé la stupeur en prévoyant plus de 1 000 suppressions d'emplois dans l'enseignement supérieur. Vous visez à accélérer un processus de regroupement autoritaire et de mise en concurrence des établissements en annonçant, pour décembre, le rapprochement des 83 universités et des 225 écoles dans 15 pôles de recherche et d'enseignement supérieur.


De plus, vous annoncez que, en janvier 2010, au moins 21 nouvelles universités devront être passées aux " responsabilités et compétences élargies " avec les conséquences nocives que cela induit en termes de désengagement de l'Etat, d'encouragement à développer les emplois précaires et l'autoritarisme présidentiel.


CALMER LA COMMUNAUTÉ UNIVERSITAIRE


Quand vous avancez comme explication à la crise que " la communauté universitaire n'a pas confiance en elle ", pour présenter le gouvernement comme le premier refondateur, vous révélez votre propre défiance vis-à-vis de l'université et de sa capacité à la fois critique et créatrice. Ce n'est pas le regret de n'avoir pas été aussi loin que prévu dans une conception dévoyée de l'autonomie, ni la reconnaissance implicite des dysfonctionnements liés au mode d'élection des conseils d'administration qui calmeront la communauté universitaire. Celle-ci a pris conscience de la nocivité du pacte recherche et de la loi LRU, exigeant leur abrogation et un autre cadre législatif. Elle attend de vraies réponses et n'entend pas s'arrêter là.

La capacité du mouvement à rassembler dans la durée et à proposer, avec le soutien de l'opinion, est porteuse de choix alternatifs, garants d'un service public d'enseignement supérieur et de recherche unifié, riche, diversifié, permettant l'accès aux études du plus grand nombre, fondé sur la collégialité et sur la réponse aux besoins de société.