CPU: ses nouveaux pouvoirs avec la LRU

Publié le 16 novembre 2007

Une CPU « décomplexée » grâce à l'autonomie et au pouvoir de représentation

par Philippe Enclos, maître de conférenceen droit, Lille 2, membre du Bureau National du SNESUP-FSU

La loi LRU accorde à la CPU, conférence des présidents d'université, « l'autonomie » et le pouvoir de représentation que la CPU réclamait depuis longtemps (articles 36 et 37 loi LRU).

Relire le texte du nouveau chapitre 3 du livre 2 du code de l?éducation permet de s?en convaincre, et, en même temps, d?apprécier à leur exacte valeur les déclarations de la ministre lors de la séance d?installation du CNESER du 4 juin 2007 relatives à la revalorisation du rôle de cette instance.

« CHAPITRE III La Conférence des chefs d?établissements de l'enseignement supérieur
Art. L. 233-1

I. ? La Conférence des chefs d?établissements de l?enseignement supérieur est composée des responsables des écoles françaises à l'étranger, des directeurs des instituts et des écoles extérieurs aux universités ainsi que des membres de deux conférences constituées respectivement :
? des présidents d?université, des responsables des grands établissements et des directeurs d?écoles normales supérieures ;
? des responsables d?établissements d?enseignement supérieur, d?instituts ou écoles internes à ces établissements habilités à délivrer le diplôme d?ingénieur et des directeurs des écoles d?ingénieurs, autres que celles relevant du ministre chargé de l?enseignement supérieur, ayant, le cas échéant, reçu l?approbation de leur autorité de tutelle.
Ces deux conférences se réunissent séparément pour examiner les questions qui les concernent.
Chacune de ces deux conférences peut se constituer en une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d?association.

II. ? La Conférence des chefs d?établissements de l?enseignement supérieur, en formation plénière, élit en son sein un président et un bureau pour une durée de deux ans. Elle étudie toutes les questions intéressant les établissements qu?elle représente. Elle peut formuler des v?ux à l?intention du ministre chargé de l?enseignement supérieur. Celui-ci lui soumet les problèmes pour lesquels il requiert son avis motivé.

Art. L. 233-2.

- Les associations mentionnées au dernier alinéa du I de l?article L. 233-1 ont vocation à représenter auprès de l?État, de l?Union européenne et des autres instances internationales compétentes en matière d?enseignement supérieur et de recherche les intérêts communs des établissements qu?elles regroupent. Elles bénéficient, sous réserve de leur agrément par le ministre chargé de l?enseignement supérieur, du régime des associations reconnues d?utilité publique.
A cette fin, elles peuvent percevoir, outre les cotisations annuelles versées par les établissements qu?elles représentent, des subventions de l?État et des autres collectivités publiques, ainsi que toute autre ressource conforme à leur statut. Elles sont soumises au contrôle de la Cour des comptes.
Ces associations peuvent bénéficier du concours d?agents publics titulaires ou contractuels mis à leur disposition par l?administration ou l?établissement public dont ils dépendent ou de fonctionnaires placés en position de détachement. »


(NDLR : texte souligné par nous)
.


Les innovations qui sautent aux yeux sont, bien sûr, l?autonomie de ces conférences par rapport au ministre (qui ne les préside pas/plus), la création de la « conférence des chefs d?établissement de l?enseignement supérieur » (CCEES) et l?érection de la CDEFI au même statut que la CPU, ce qui semble anodin.
Mais une lecture attentive des dispositions relatives aux compétences de ces conférences réserve quelques surprises.

La CCEES est un organisme consultatif placé auprès du ministre, qui hérite du rôle antérieurement dévolu à la CPU (ancien art. L 233-1) : pouvoirs de proposition et d?émission d?avis au ministre, qui sollicite discrétionnairement les avis. Cette Conférence ne se voit attribuer aucun pouvoir de représentation des universités.
Bien qu?elle soit tenue d?élire en son sein un président et un bureau, la CCESS peut ne pas se constituer elle-même en association loi 1901, et la loi ne prévoit pas qu?elle puisse être reconnue d?utilité publique, à la différence de chacune de ses deux composantes. Il est pour le moins surprenant qu?un organisme disposant de telles prérogatives puisse n?être, en droit, qu?une « association de fait » (= association non déclarée), composée, qui plus est, de personnes morales (CPU et CDEFI ayant vocation à se constituer sous la forme d?associations déclarées).

La CPU, en revanche, se voit attribuer un authentique pouvoir de représentation, dont elle ne pouvait pas se prévaloir avant la promulgation de la loi LRU (l?observation vaut aussi pour la CDEFI).
Elle se trouve désormais sur un pied d?égalité avec le CNESER en ce qui concerne tant les pouvoirs de proposition et d?avis que la représentation des « intérêts communs » des EPCSCP ; en d?autres termes, la loi LRU a brisé le monopole du CNESER. Désormais, le ministère pourra opposer les avis de la CPU à ceux du CNESER ; lors des séances du CNESER, il pourra brandir les avis de la CPU pour contrer les positions des organisations syndicales des personnels et des étudiants.
On remarque encore que le champ d?application des compétences du CNESER est limitativement établii, ce qui n?est pas le cas de celui de la CPU. La seule prérogative que conserve exclusivement le CNESER est que sa consultation est obligatoire sur une liste de matières dressée par l?article L 232-1 ; on peut supposer que la CPU le regrette, mais cette obligation de consultation est privée d?une bonne partie de sa portée, dès lors que le règlement intérieur de l?instance (arrêté du 9 octobre 1989) édicte qu? « en cas d?impossibilité pour le CNESER de se prononcer valablement faute de quorum, le Conseil est réputé avoir été consulté ».

Mais il y a pire : l?article 37 de la loi LRU réécrit ainsi la première phrase du deuxième alinéa de l?article L 232-1, relatif au CNESER : « Les [EPCSCP] sont représentés par les deux conférences composant la [CCEES](NDLR : texte souligné par nous), qui désignent leurs représentants, et par des représentants élus des personnels et des étudiants, élus au scrutin secret par collèges distincts ». La CPU acquiert ainsi, en outre, le statut (dont elle rêvait depuis longtemps) de représentant des EPCSCP au sein même du CNESER, au même titre que les élus des personnels et des étudiants ! Elle va jouir d?une véritable ??position dominante abusive??, puisqu?elle conseillera le ministre à la fois de l?extérieur et de l?intérieur du CNESER ! Ces modifications de la partie législative du code de l?éducation nécessiteront l?édiction d?un texte réglementaire afin d?y adapter l?article D 232-1 dudit code qui fixe le détail de la composition du CNESER : l?introduction de la CPU et de la CDEFI sera-t-elle assurée par l?augmentation de 61 à 63 du nombre des membres du CNESER, ou par une réduction de 40 à 38 de celui des représentants des personnels et des étudiants ? Prenons les paris...En sus, l?arrogance de ce gouvernement pourrait le conduire à introduire aussi ces Conférences au sein de la Commission Scientifique Permanente du CNESER (D 232-14) ; l?effectif de cette commission passerait-il alors de 23 à 25, ou celui des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs descendrait-il de 12 à 10 ? Les étudiants étant seulement deux, il ne semble guère possible de réduire leur nombre, encore moins de supprimer le seul représentant BIATOS, et il ne faudrait pas s?attende à une réduction de celui des 8 « personnalités » nommées par le ministre.

Enfin, il n?est pas sans intérêt d?observer que l?article L 233-2, dans sa rédaction issue de la loi LRU, dispose que la CPU représente « les intérêts communs des établissements qu?elle regroupe ». La CPU est ici définie comme regroupant des établissements, et non leurs seuls chefs, ce qui était le cas avant l?entrée en vigueur de la loi LRU. La portée, au moins potentielle, de cette disposition ne doit pas être sous-estimée : elle peut fonder le droit pour les CA desdits établissements de mandater leurs présidents pour porter des délibérations à la CPU, et, en retour, d?exiger de ceux-ci qu?ils leur rendent compte des opinions qu?ils y expriment. On voit mal, en effet, comment les présidents pourraient valablement représenter les intérêts communs des établissements sans mandat ni contrôle de ces derniers, malgré l?accroissement des pouvoirs que confie la loi LRU aux présidents. On peut, en tout cas, espérer que les établissements qui auront accepté de verser à la CPU une cotisation annuelle ou de mettre un de leurs agents à sa disposition, comme l?avant-dernier alinéa du nouvel article L 233-2 en prévoit la possibilité, souhaiteront exercer un contrôle minimum?