Communiqué de la section SNESup-FSU, Université Nancy 2 sur le projet de décret de l'Université de Lorraine

Publié le : 25/11/2010


Communiqué de la section SNESup-FSU, Université Nancy 2 sur le projet de décret de l'Université de Lorraine


En février dernier, le groupe gouvernance de l'Université de Lorraine (UdL) rendait public le texte Ambitions et principes qui se concluait ainsi :
« Un statut de grand établissement sera demandé pour l'Université de Lorraine afin de pouvoir introduire les points suivants dans son décret de création et ses statuts :

  • Sénat académique avec ses compétences
  • Conseil de la Vie Universitaire avec ses compétences
  • Structures et instances intermédiaires avec leurs compétences
  • Mode de désignation du président

La liste de ces points est strictement limitative » (voir sur le site de l'UdL).

Le même engagement concernant cette stricte limitation a été pris devant les 4 CA des universités lorraines le 22 juin dernier. Si cette conclusion valait engagement moral de la part des présidents des quatre universités lorraines, force est de constater aujourd'hui, à la lecture du projet de décret portant création de l'UdL, que cet engagement est rompu.

Nous vous proposons ici un compte rendu SNESup-FSU des débats qui ont eu lieu sur ce projet.

La semaine dernière, plusieurs instances ont été consultées : la réunion des directeurs de composantes, celle des directeurs de laboratoire, le CTP, ainsi que les trois conseils centraux (CEVU, CS, CA). Il s'agissait de débattre, d'émettre des avis sur un texte disponible sur l'ENT. Il s'agissait également de donner un avis sur la liste des collegiums ainsi que sur celle des pôles scientifiques. Ces deux documents sont accessibles durant 30 jours.
De fortes inquiétudes ont été manifestées, à la fois sur ce calendrier, sur les instances qui structureraient l'UdL et sur le règlement intérieur, souvent mentionné dans le projet de décret et dont on ne connaît pas les contours actuellement.

Calendrier

Nous rappelons les grandes lignes du calendrier initialement proposé par le ministère et accepté par les présidents.

  • Décembre 2010 : vote des 4 CA sur le projet de décret
  • Mars 2011 : présentation du projet de décret au CNESER
  • Mars-juillet 2011 : examen du texte par le Conseil d'État
  • Septembre 2011 (au plus tard) : publication du décret
  • De septembre à décembre 2011 : administration provisoire et CA provisoire
  • 31 décembre 2011 : Suppression des 4 universités actuelles
  • Janvier 2012 : élection du président de l'UdL

Le président affirme que ce calendrier initial ne sera pas tenu pour ce qui concerne le vote du projet de décret par le CA (il l'a encore affirmé au CA de ce mardi 23 novembre). Cela mettra-t-il en question l'ensemble du calendrier, c'est une autre affaire. Nous, Snesup, continuons d'affirmer que ce calendrier est dicté par les exigences politiques de notre "ministre de l'excellence" et non pas par les intérêts de la collectivité universitaire. Nous ne doutons pas que la pression va rester grande pour que la date du 1er janvier 2012 reste l'objectif ministériel (certainement relayé par des ambitions de quelques présidents d'université actuels).

Le projet de décret et le statut de grand établissement

Pour assurer le calendrier, une bonne façon de faire est de donner un texte en pâture, de faire réagir sur quelques points de ce projet et, donc, d'engager les instances dans la rédaction du projet lui-même plutôt que de les engager dans une réflexion sur les principes qui guident cette rédaction et, notamment, sur les divers pouvoirs et leurs équilibres. Qu'en est-il ? Comme nous le signalions en introduction, il y a d'ores et déjà rupture sur les engagements concernant le statut de grand établissement.

Premier constat, le Sénat académique se servira à rien. Si bien qu'on peut se demander en quoi il est utile de passer en grand établissement pour le créer. Selon l'article 12, il sera uniquement consulté et informé. Cela n'en fera ni un contre-pouvoir ni une instance capable de propositions, malgré l'assurance du président qu'un président et un CA ne pourraient pas agir longtemps contre les avis de ce sénat.

Deuxième point, et pas des moindres, les UFR sont remplacées par des UER. C'est bien un effet du grand établissement, car, si l'on en croit les explications données par la présidence, ce changement d'intitulé provient du fait qu'on ne pourrait pas rassembler des UFR dans des collegiums, car des UFR, ça ne se regroupe pas. Or, comme l'a fait remarquer un administrateur, si on sait ce que sont des UFR (code de l'éducation), on ne sait pas ce que sont des UER. Quelles pourraient donc être les conséquences de ce changement de statut ? Confiance... Ayez confiance... C'est à peu près la seule réponse dont on dispose.

Troisième surprise, le directoire qui assiste le président (art. 6) sans qu'on sache bien ce que sera cette « assistance ». Il y a fort à parier que l'apparition de ce directoire (et la disparition du bureau dont il n'est pas fait mention dans le projet de décret) sera décisive car c'est cette instance qui, en fait, fera la politique de l'établissement que le CA, transformé en chambre d'enregistrement, validera. Or, dans ce directoire, il n'y aura pas de représentants des personnels BIATOS ni des étudiants. Les personnels enseignants et/chercheurs ne seront plus représentés non plus en tant que tels, comme c'est le cas actuellement dans le bureau de Nancy 2, à travers, notamment, des représentants des diverses sensibilités syndicales.

Quatrième point : les collegiums (art. 13 et 14). Les collegiums sont qualifiés de « structures intermédiaires » dans tous les documents depuis le début du projet. Or, ils apparaissent de plus en plus centraux au fur et à mesure que l'UdL se précise. Non seulement ils auront la compétence sur les emplois et les budgets, mais ils prendront aussi la compétence sur les règlements d'examens, qui échapperont au CA. Bref, ils mèneront leur vie de manière d'autant plus autonomes, que, rappelons-le, leurs directeurs feront partie du directoire et que, selon la lecture que nous en avons proposée ci-dessus, ils participeront directement à la politique globale de l'établissement. En outre, les directeurs de collegiums, en assemblée avec les directeurs de pôles scientifiques, désigneront 7 membres extérieurs au CA (donc près du quart du CA = 7/30). Les présidents ont défendu la fusion contre un système fédéraliste qu'ils n'ont pas même pris le temps d'étudier et voilà qu'on se retrouve avec un système de 8 collégiums relativement autonomes et dotés d'un pouvoir manifeste sur la marche de l'UdL. Ajoutons que tout ce qui relève du fonctionnement des collegiums, de la représentation des personnels et des étudiants, des modalités d'élections est renvoyé au règlement intérieur. On ne sait donc rien là-dessus actuellement.

Dernier point, celui concernant la sélection. L'article 2 annonce que la liste des formations sélective de deuxième cycle (en fonction du nombre de places ou dont l'accueil pourrait être subordonné à l'examen des dossiers) sera donnée en annexe du décret. Nous ne disposons pas actuellement de cette liste. On pourrait pourtant supposer qu'elle n'est pas si difficile à établir car il existe déjà de telles filières sélectives, en IUT par exemple. Y aurait-il d'autres filières sélectives ? Plus inquiétant, peut-être, la sélection qui point pour l'accession en deuxième cycle, ou, plus précisément, qui pourrait devenir (plus) systématique. Notamment parce qu'une césure ne manquera pas d'apparaître, pas uniquement en Lorraine, entre premier et deuxième cycle.

Représentation des personnels (enseignants et/ou chercheurs et BIATOS) et des étudiants

La représentation des personnels et des étudiants dans les instances est en berne (voir les compositions des conseils aux art. 7, 9, 10 et 11). Elle poursuit le mouvement actuel qui construit une énorme machine bureaucratique Si chacun a pu constater que, de plus en plus, les personnels sont au service de l'administration plutôt que le contraire, cela est aggravé dans le projet de décret. Bien sûr, le président a précisé que les seuils de représentation des personnels et des étudiants dans les conseils sont des seuils minimaux, donc que la représentation effective pourra être supérieure.
Toutefois :

  • les taux de représentation sont très inférieurs aux seuils LRU qui constituait déjà une aggravation de la situation antérieure ; ainsi, le CS de l'Université de Lorraine serait composé « d'au minimum un tiers de représentants élus des personnels d'enseignement et de recherche, des ingénieurs de recherche et des étudiants » (article 9), alors que la loi LRU prévoit 70 à 90 % d'élus (nouvelle dérogation non-annoncée liée au statut de grand établissement) ;
  • on passe d'une exigence de parité entre personnels enseignants et étudiants au CEVU, l'ensemble représentant 75 à 80 % des membres du CEVU selon la loi LRU, à une simple indication de "majorité" de personnels (enseignants et BIATOS) et des étudiants, ceci au CF comme au CVU (nouvelle dérogation non-annoncée liée au statut de grand établissement) ;
  • on passe de 4 CA, 4 CS, 4 CEVU à 1 CA, 1 CS, 1 CF et 1C VU, donc, mécaniquement, la représentation est moindre puisque moins d'élus vont représenter bien plus de personnels ;
  • on a un directoire sans personnels BIATOS ni étudiants et sans représentants des personnels (voir plus haut) ;
  • enfin, jusqu'à présent, et c'était encore le cas dans la catastrophique loi LRU, l'ordre de présentation des membres des conseils consistait à définir d'abord la représentation des personnels et des étudiants, puis celle des extérieurs ; dans le projet de décret, c'est l'inverse, les membres extérieurs sont nommés dans un premier temps, avant, donc, la représentation des personnels et des étudiants. Si les symboles ont un sens...

Le règlement intérieur

Le règlement intérieur est abordé à l'article 15 et les conditions de son élaboration sont données dans les dispositions transitoires et finales. Le président a assuré aux conseils que le vote du projet ne pourrait avoir lieu avant que nous ayons une vue suffisamment précise de ce règlement intérieur. Dont acte. Il paraît que des débuts de rédaction de ce règlement intérieur sont en route. Par qui ?
Mais s'il est effectivement indispensable que nous connaissions le contenu du règlement intérieur avant tout vote sur le projet de décret, que vaudra effectivement ce règlement intérieur ? Comment pourra-t-il être modifié ? Très facilement, par un vote à la majorité du futur CA de 30 membres (représentant quelques dizaines de milliers de personnels et d'étudiant et, surtout, des secteurs disciplinaires très divers). Il suffira donc de convaincre 15 à 16 membres de ce CA (composé pour un tiers d'extérieurs) pour modifier le règlement intérieur. Or, la vie des instances (collegiums, pôles scientifiques, UER...) reposera sur ce règlement intérieur.
Inscrire le strict minimum dans le décret et renvoyer l'essentiel au règlement intérieur, comme le propose le projet actuel, c'est plonger l'université dans une zone d'instabilité potentielle extrêmement dangereuse. Il est donc nécessaire que le maximum de garanties, notamment sur la représentativité des personnels et étudiants et contre la sélection, soient inscrites dans le décret, et que seuls quelques ajustements relèvent in fine du règlement intérieur.

Conclusion

Pour les élus SNESup-FSU, la phase de rédaction du décret constitue le moment ultime pour poser sur la place publique les véritables enjeux de cette UdL. Où sont les pouvoirs ? A quoi et qui servent-ils ? Il faut poser une nouvelle fois les questions jusqu'ici restées sans réponses :

  • en quoi l'UdL va-t-elle améliorer les formations ?
  • en quoi va-t-elle améliorer la recherche ?
  • en quoi va-t-elle améliorer les conditions de travail des personnels et d'études ?
  • comment organiser l'UdL pour garantir la représentation collective ?