Pourquoi nous ne voulons pas du Grand Emprunt

Publié le : 29/03/2010


Pourquoi nous ne voulons pas du Grand Emprunt

 

L'attribution des sommes du Grand Emprunt à seulement quelques grands pôles d'excellence (de 5 à 10), pose la question du financement des universités par rapport à leurs besoins, en regard de leurs missions de service public d'enseignement supérieur et de recherche. L'intérêt général est sacrifié pour privilégier quelques campus d'excellence, qui s'opposeront de fait aux autres universités devenues universités de seconde zone.

Les modalités d'attribution des fonds sont connues. À l'instar du plan campus, les fonds consomptibles sont les intérêts des placements des sommes empruntées par l'État et placées en bons du trésor, ou même en bourse. Aux intérêts des placements, il faudra retirer le montant des intérêts de l'emprunt, ce qui pour une somme d'un milliard d'euros représentera au mieux 30 millions d'intérêts par an. Au regard des sommes versées par la Région à l'Université (120 millions par an), l'apport du Grand Emprunt sera très relatif tout en étant fortement contraignant. Le Grand Emprunt pèsera sur le fonctionnement de toutes les universités dans la mesure où le gouvernement va, comme l'a indiqué Eric Woerth, rembourser cet emprunt au moyen d'économies supplémentaires réalisées dans le cadre de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques). Ce Grand Emprunt aura mécaniquement
pour effet de diminuer encore davantage l'emploi public (à ce sujet, il est bien spécifié qu'il sera interdit de recruter des fonctionnaires au moyen de ces sommes...).

Le Grand Emprunt, de manière indirecte, aura des conséquences sur les dotations ordinaires octroyées aux universités. Le modèle d'attribution actuel des dotations (Sympa 2) défavorise déjà les universités sous dotées, et les conséquences potentielles liées à l'accroissement des différences de performance liées au Grand Emprunt augmenteront mécaniquement les sous-dotations des universités sous dotées.

Au sein même du PRES lyonnais, cette logique de concurrence sera à l'oeuvre. Il y aura d'un côté un pôle d'excellence qui s'édifiera autour de disciplines éligibles aux classements internationaux, notamment le classement de Shanghai, pôle qui rassemblera quelques établissements autour des thématiques de la santé, des sciences et de la technologie. Mais de l'autre côté que restera-il ? Des établissements de seconde zone, notamment ceux qui proposent les humanités et les sciences économiques et sociales et que l'on voudrait éventuellement réunir sous forme d'« Alliance » afin de renforcer chez elles la «qualité et la reconnaissance de leur recherche »...

L'obtention de ce Grand Emprunt est subordonnée à la mise en oeuvre de nouveaux instruments de pilotage, d'une nouvelle gouvernance, plus réduite, censée être plus réactive.
Telles qu'elles se présentent, les exigences du gouvernement vont aboutir à la mise en place de petits comités de personnes désignées ou cooptées qui seront amenés à faire les grands choix pour la communauté.

Le Grand Emprunt tel qu'il se présente avec ses exigences est très éloigné des besoins de l'enseignement supérieur. Le paternalisme avec lequel il est octroyé aux bons élèves augure mal de l'avenir de l'Université, et de son indépendance.

En quoi cet emprunt permettrait-il d'améliorer les conditions des études et de la vie des étudiants ? D'aider ceux qui sont obligés de travailler pour faire leurs études ? D'aider ceux qui ont des problèmes de logements ? Les conditions de la concurrence font apparaître le spectre de l'augmentation des droits d'inscription, celui de la sélection par l'argent et du renforcement des inégalités sociales.

En quoi cet emprunt permettrait-il d'améliorer les formations ? On sait déjà les difficultés liées à l'équivalence TP /TD dans certaines filières et ses conséquences en termes de fermetures de groupes, d'impossibilités d'inscriptions dans certains enseignements etc. On imagine une sélection progressive de quelques filières d'excellence, les autres pouvant continuer à vivoter tant que le CA, ou ce qui l'aura remplacé, ne décidera pas de les fermer
pour récupérer les budgets correspondants.

En quoi cet emprunt permettrait-il d'améliorer les potentiels de recherche ? La création de grands rassemblements de chercheurs ne crée pas a priori les conditions des collaborations.

En quoi le Grand Emprunt permettrait-il de donner de meilleures conditions de travail à l'ensemble des personnels techniques, administratifs, et de services? Là encore, les exigences de rentabilité sur investissement, la nécessité absolue d'obtenir des résultats jugés à l'aune des classements internationaux laissent prévoir une rotation rapide des personnels, ceux qui sont jugés comme non conformes seront éloignés vers des entités secondaires.

Bien que l'université et la recherche aient besoin de financements urgents, en considérant les conditions d'obtention de l'emprunt, tout comme le montant réel des sommes concernées, nous demandons aux différents Etablissements de renoncer à entrer dans la logique qui leur est proposée, ceci en refusant de bénéficier des fonds liés au Grand Emprunt, et en demandant que tous les établissements d'enseignement supérieur et de recherche publics
soient dotés des moyens humains et financiers indispensables à l'exécution de leurs missions de service public.

Nous demandons en particulier aux instances de nos établissements (CS, CEVU, CA, CTP) de se prononcer contre le principe du Grand Emprunt et de ses répercussions mécaniquement désastreuses sur les personnels et les étudiants.

 

ORGANISATIONS SIGNATAIRES :

FSU Lyon 2, FSU Lyon 1, FSU IEP de Lyon