ÉDITO : Qui veut la peau de l’université ?

Publié le 20 février 2025

Début février, une collègue de la faculté de droit de Toulon était enregistrée clandestinement pendant son cours alors qu’elle commentait du point de vue du droit un tract faisant notamment une large place à la préférence nationale distribué dans l’amphithéâtre par La Cocarde étudiante, syndicat étudiant positionné à l’extrême droite. L’enregistrement diffusé sur les réseaux sociaux par une députée du Rassemblement national l’a jetée en pâture, suscitant de nombreux commentaires de haine, virant au cyberharcèlement. Si l’université de Toulon l’a immédiatement soutenue et lui a accordé la protection fonctionnelle, cet événement est une attaque frontale de la liberté académique des enseignant·es-chercheur·ses, qui – faut-il le rappeler ? – bénéficient d’une pleine indépendance et de la liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de recherche. Cette liberté dérange. L’attaquer, c’est attaquer l’université et ses missions.

Est-ce un hasard si, au même moment, aux États-Unis, le président Trump, après le président Milei en Argentine, multiplie les mesures chocs contre les universités publiques ? Le projet est clair : les débarrasser des idées progressistes qualifiées d'« idéologie woke » pour les recentrer sur les valeurs traditionnelles américaines et les contraindre à abandonner les thématiques de recherche remettant en cause l’ordre établi par l’arrêt des financements. Des scientifiques et des enseignant·es libres sont de toute évidence perçu·es comme un danger.

Par ailleurs, insidieusement, ces derniers jours, en France, nombre d’établissements universitaires ont reçu les retours d’évaluation du Hcéres concernant les formations des premier et second cycles. C’est une véritable bérézina tant les avis défavorables sont nombreux et ciblés. La moitié des formations est ainsi touchée à Amiens et à Paris-VIII et les chiffres qui nous remontent des autres établissements ne sont guère rassurants. Les établissements seront-ils contraints, les uns après les autres, à fermer leurs formations ?

Ces attaques répétées, même si elles ne sont pas de même nature, procèdent du même projet : restreindre la liberté académique, prendre le contrôle de la production du savoir, pour l’asservir aux seuls intérêts des puissants.

Parce que le savoir est une arme massive contre les obscurantismes, la montée des extrêmes droites et la progression des forces conservatrices et réactionnaires, l’université dérange. Nous devons mettre toutes nos forces dans la bataille engagée pour la sauver.

Caroline Mauriat et Anne Roger, co-secrétaires générales

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Caroline Mauriat et Anne Roger